Définition :
(Larousse, dictionnaire de psychanalyse d’E. Roudinesco) Mécanisme de défense qui consiste à nier une perception traumatisante de la réalité extérieure, en particulier, l’absence de pénis chez la femme. (Serge Ionescu) Action de refuser la réalité d’une perception vécue comme dangereuse ou douloureuse pour le moi.
Signification et différenciation du déni par rapport à la dénégation.
Le terme est avancé par S. Freud en 1923 pour caractériser un mécanisme de défense par lequel un sujet nie la réalité d’un fait qu’il perçoit et qu’il ne peut cependant admettre. Plus qu’une négation, le mot « dé-ni » exprime bien un refus catégorique de reconnaître ce que les sens montrent : Le mécanisme prouve là son efficacité en tant que défense du moi, dans le sens où il empêche un conflit entre une perception réelle fortement désagréable pour le moi et la perception voulue en accord avec la réalité pré-construite de l’individu, non par une comparaison de ces deux réalités, l’une extérieure, l’autre de pensée, mais par une suspension de jugement et donc de décision vis à vis de ces contradictions.
Les deux affirmations coexistent au sein du moi sans s’influencer, rappelant un peu les croyances incohérentes avec le monde extérieur que l’on peut remarquer chez de nombreuses personnes et que l’on peut reconnaître dans les phrases semblables à : « Je sais que c’est presque impossible, mais j’y crois »(la croyance indubitable se traduit d’ailleurs par l’ajout dans la phrase du mot « presque », alors que la réalité de la situation est justement impossible).C’est sur ce principe que l’on peut différencier déni(verleugnung) et dénégation(verneinung).
Le psychanalyste français Guy Rosoloto proposera en 1967 de traduire Verleugnung par « désaveu », pour bien marquer la double-opération de reconnaissance et de refus et distinguer ainsi le déni(désaveu) de la dénégation, qui se situe dans le champ symbolique en participant au refoulement et à sa levée partielle. Le refoulement effectue un travail similaire, mais en intégrant la réalité non-tolérée à l’inconscient, l’écartant ainsi du champ de conscience. Avec le déni, le sujet conserve le savoir de la réalité tout en lui substituant une perception imaginaire, et possède alors deux visions incompatibles mais dénuées de tout lien, ce qui permet au moi(intervient alors la notion de clivage du moi) de « vivre sur deux registres différents, avec d’un côté la réalité perçue, et de l’autre côté, la réalité reconnue, contraire à la perception.
Les deux affirmations coexistent au sein du moi sans s’influencer, rappelant un peu les croyances incohérentes avec le monde extérieur que l’on peut remarquer chez de nombreuses personnes et que l’on peut reconnaître dans les phrases semblables à : « Je sais que c’est presque impossible, mais j’y crois »(la croyance indubitable se traduit d’ailleurs par l’ajout dans la phrase du mot « presque », alors que la réalité de la situation est justement impossible).C’est sur ce principe que l’on peut différencier déni(verleugnung) et dénégation(verneinung).
Le psychanalyste français Guy Rosoloto proposera en 1967 de traduire Verleugnung par « désaveu », pour bien marquer la double-opération de reconnaissance et de refus et distinguer ainsi le déni(désaveu) de la dénégation, qui se situe dans le champ symbolique en participant au refoulement et à sa levée partielle. Le refoulement effectue un travail similaire, mais en intégrant la réalité non-tolérée à l’inconscient, l’écartant ainsi du champ de conscience. Avec le déni, le sujet conserve le savoir de la réalité tout en lui substituant une perception imaginaire, et possède alors deux visions incompatibles mais dénuées de tout lien, ce qui permet au moi(intervient alors la notion de clivage du moi) de « vivre sur deux registres différents, avec d’un côté la réalité perçue, et de l’autre côté, la réalité reconnue, contraire à la perception.
Origine du déni.
C’est bien avant 1923 que Freud entrevoit la notion de déni : Elle apparaît implicitement dès 1905, en référence au complexe de castration. C’est d’ailleurs dans ce point de vue plus spécifique qu’est considéré le déni : c’est la manifestation d’un rejet radical portant sur la réalité de la castration. Le jeune enfant, qui vit suivant le principe de plaisir, réagit en face de l’absence de pénis chez la fille en niant ce manque pour conserver la croyance en l’existence d’un phallus maternel.
D’après Mannoni, l’enfant ne doute pas de l’absence de phallus chez la femme, mais invente des subterfuges imaginaires pour recréer le membre chez celles qui en sont dépourvues, et arrive lentement à la conclusion qu’il y en a eu un qui par la suite a été enlevé. L’enfant est alors en devoir de s’affronter à la relation de castration avec sa propre personne. Le déni joue ici au moment de la perception du manque de pénis chez les femmes : l’une des théories sexuelles infantiles dont parle Freud dans l’ouvrage du même nom consiste à attribuer un pénis à tout le monde. Ce préjugé est selon lui habituel à la phase phallique, et disparaît lorsque le principe de réalité surpasse celui de plaisir. Le déni peut cependant se retrouver plus tard dans certaines pathologies.
Pour Freud, le déni ne conduit pas nécessairement à la psychose, mais en tous les cas, spécifie le fonctionnement psychique du pervers qui, confronté à la menace de castration par la reconnaissance de l’absence de pénis chez la femme (dont il sait pourtant qu’elle n’est pas le résultat d’une castration) oppose un déni à sa perception sensorielle. Il conserve un fétiche représentatif du phallus qu’il associe aux femmes parce qu’elles n’en ont pas.
Dans un tout autre domaine, on retrouve le déni, présent notamment dans les cas de patient atteints de maladies somatiques graves. Le déni de cette réalité constitue un mécanisme opérant face aux facteurs d’agression de leur maladie, ou de leur mort possible, qui leur permet de « vivre normalement » en diminuant l’angoisse dont ils peuvent souffrir. On retrouve en outre ce déni dans les conduites de refus de deuil, ou de déni du danger des adolescents qui s’exposent à des risques importants.
Il est bien important, encore une fois, de rappeler les spécificités du déni : d’une part la relation avec la réalité extérieure (on parle de refoulement pour un danger intérieur au moi, mais s’il y a déni, c’ est qu’il y a un danger extérieur), et d’autre part, alors que la dénégation s’apparente à un « déni de parole », le déni se traduit dans les actes ; comme on l’a dit précédemment, le déni du danger entraîne des comportements à risque.
D’après Mannoni, l’enfant ne doute pas de l’absence de phallus chez la femme, mais invente des subterfuges imaginaires pour recréer le membre chez celles qui en sont dépourvues, et arrive lentement à la conclusion qu’il y en a eu un qui par la suite a été enlevé. L’enfant est alors en devoir de s’affronter à la relation de castration avec sa propre personne. Le déni joue ici au moment de la perception du manque de pénis chez les femmes : l’une des théories sexuelles infantiles dont parle Freud dans l’ouvrage du même nom consiste à attribuer un pénis à tout le monde. Ce préjugé est selon lui habituel à la phase phallique, et disparaît lorsque le principe de réalité surpasse celui de plaisir. Le déni peut cependant se retrouver plus tard dans certaines pathologies.
Conséquences possibles du déni.
Chez l’enfant, le déni de l’absence de phallus est une chose ni rare, ni dangereuse. Il peut cependant constituer le départ chez l’adulte d’une psychose : le psychotique refuse les exigences de la réalité extérieure et se construit un univers hallucinatoire dans lequel il obtient la quiétude d’esprit qu’il convoite. Le mot Verwerwfung, traduit par Lacan « forclusion » est alors employé, ayant alors un sens un peu plus fort que le déni.Pour Freud, le déni ne conduit pas nécessairement à la psychose, mais en tous les cas, spécifie le fonctionnement psychique du pervers qui, confronté à la menace de castration par la reconnaissance de l’absence de pénis chez la femme (dont il sait pourtant qu’elle n’est pas le résultat d’une castration) oppose un déni à sa perception sensorielle. Il conserve un fétiche représentatif du phallus qu’il associe aux femmes parce qu’elles n’en ont pas.
Dans un tout autre domaine, on retrouve le déni, présent notamment dans les cas de patient atteints de maladies somatiques graves. Le déni de cette réalité constitue un mécanisme opérant face aux facteurs d’agression de leur maladie, ou de leur mort possible, qui leur permet de « vivre normalement » en diminuant l’angoisse dont ils peuvent souffrir. On retrouve en outre ce déni dans les conduites de refus de deuil, ou de déni du danger des adolescents qui s’exposent à des risques importants.
Il est bien important, encore une fois, de rappeler les spécificités du déni : d’une part la relation avec la réalité extérieure (on parle de refoulement pour un danger intérieur au moi, mais s’il y a déni, c’ est qu’il y a un danger extérieur), et d’autre part, alors que la dénégation s’apparente à un « déni de parole », le déni se traduit dans les actes ; comme on l’a dit précédemment, le déni du danger entraîne des comportements à risque.
Un des multiples mécanismes de défense dont le moi dispose pour se préserver de l'angoisse.
Son fonctionnement consiste à nier la réalité perçue. Lorsque ce mécanisme est utilisé par le sujet, celui-ci transforme inconsciemment la signification des faits qu'il perçoit, car ses perceptions sont cause d'angoisses.
La réalité perçue est niée et à elle se substitue un monde imaginaire, plus confortable. Ce mécanisme est aisément mis en place par l'enfant.
Nous le retrouvons aussi dans la schizophrénie, dans laquelle le sujet vit dans un monde imaginaire, où il peut satisfaire, par exemple, son désir de toute puissance.
Le déni est une notion théorisé par Sigmund Freud pour désigner la non considération d'une partie de la réalité, en particulier celle de la différence des sexes (cf. castration). Dans la théorie psychanalytique, le déni sous porte autant sur la réalité "extérieure" (perceptive) que sur la réalité interne. En sémiologie psychiatrique, le terme s'étend à la réalité perceptive dans son ensemble et se rapporte généralement aux structures psychotiques.
L'acte de déni refuse de prendre en charge certaines perceptions : un fragment, éventuellement important, de la réalité, se voit totalement ignoré ; la personne qui dénie se comporte comme si cette réalité n'existait simplement pas, alors qu'elle la perçoit.
Décrire une telle occultation suppose un consensus quant au réel, consensus moins évident qu'il n'y paraît (à ne penser ne serait-ce qu'au solipsisme). C'est que le déni est utilisé comme signe sémiologique, donc permettant le diagnostic ; il parait souvent évident, d'autant plus qu'il peut concerner ce que la personne devrait justement bien connaître.
La névrose, en théorie, n'a pas recours au déni mais à la seule dénégation, mécanisme de défense moins violent, et bien qu'il y ait négation de réalité dans la névrose (par exemple, dans le début de l'analyse de l'Homme aux rats, Freud comprit son père comme vivant alors qu'il était mort - l'Homme aux rats se comporte comme si ce père vivait toujours).
Il peut y avoir déni dans d'autres pathologies - le fétichiste par exemple dénie la castration. Les pathologies dites borderline peuvent présenter certains dénis. Un mort dans la famille pourra par exemple être complètement rayé du discours. Le déni est aussi la première étape du deuil psychologique.
Le déni dans la psychose
On peut parler d'un départ dans la vie où il y a une unité somatique et psychique.
La constitution du Moi se fait par unification de noyaux. Dans certains cas il y a des limitations très précoces du Moi, qui vont préformer la personnalité de manière psychotique. Cela se passe avant, pendant et juste après la naissance. Le reste du développement peut se passer sans problèmes. A partir de la puberté, au lieu d'expériences réparatrices, le sujet vit une éclosion de la psychose (entre 16 et 25 ans).
caractéristiques et aspects particuliers de la pathologie psychotique
Traits comparatifs, distinction et particularismes
· Définition comparée de la psychose
Dans les psychoses, le Moi prend le parti du ça pour détruire la réalité du Surmoi. Il la remplacera par une néo-réalité qui est le délire. Ce délire sera bâti sur les exigences du ça.
La personne psychotique n'a pas conscience de sa maladie.
Les processus psychiques sont de type primaire.
Ainsi apparaissent dans les pathologies psychotiques de l'adulte : la schizophrénie, la paranoïa d'apparition plus tardive, la manie (état d'exaltation) et la mélancolie, avec son délire de culpabilité.
On classe aussi dans la psychose les bouffées délirantes, éclosion brusque d'un délire, souvent sans suites pour l'avenir.
Chez l'enfant, on évoquera plutôt une organisation de type psychotique, en gardant toujours à l'esprit le caractère extrêmement évolutif de la pathologie infantile.
La psychose est une perturbation primaire de la réalité affective. Elle se traduit par un désinvestissement de la réalité extérieure (mécanisme de déni), et un surinvestissement de soi-même.
Le délire est une tentative de reconstruction de la réalité perdue. Il y a toujours un aspect négatif que sont le déni et la dissociation, et un aspect positif qui est le délire.
Les hallucinations, symptôme psychotique, traduisent la présence d'une faille dans le système symbolique du malade. Les voix qu'il entend, les visions qui s'imposent à lui signifient quelque chose de son histoire: un vécu qui n'a pas été symbolisé, que le sujet ne peut garder en lui et qu'il fait alors revenir du dehors, sous la forme d'une hallucination. Jacques Lacan a détaillé le mécanisme hallucinatoire dans la forclusion du nom du Père.
Il faut savoir que dans la psychose, l'angoisse est majeure, envahissante. Elle est de l'ordre du morcellement, de l'intrusion, de la dévoration. Il est possible de s'en faire une idée en se remémorant l'angoisse oppressante vécue lors d'un cauchemar. Mais l'angoisse dans un cauchemar ne dure que quelques secondes, alors que l'angoisse psychotique, subie à l'état de veille, peut durer plusieurs heures.
Facteurs favorisants : attitude fusionnelle de la mère (avec son "enfant-objet") se traduisant par des comportements excessivement ambivalents (mère très culpabilisante et très protectrice). A cela s'ajoute un déni de la fonction paternelle, que la mère ne reconnaît pas. Elle assume le rôle maternel et le rôle paternel, mais de façon inadaptée.
Au niveau évènementiel, il a pu y avoir dans la famille une mort, un accident traumatisant. Ce sont des facteurs contribuant à former le sujet qui a été inconsciemment choisi par l'adulte tenant le rôle maternel.
Traits essentiels de la psychose: narcissisme et déni de la réalité. Le psychotique ("individu qui s'est construit un système de relations à l'Autre de type psychotique") ne connaît pas l'oedipe.
Les psychoses autistiques
2 formes se distinguent : les psychoses symbiotiques et les formes intermédiaires.
- Dans les psychoses symbiotiques, le premier développement est normal. Une désorganisation survient vers 2 ans à la suite d'un évènement minime vécu comme traumatisant. Ce pourra être une séparation maternelle temporaire, une hospitalisation, une douleur, une maladie etc... L'état psychique se transforme, l'enfant perd ce qu'il a acquis. Affectivement, on observe un désintérêt total, et un arrêt d'investissement dans le langage. L'enfant devient hypotonique, flasque. Pourtant, dés que la mère se sépare de lui, il ressent une angoisse intense et catastrophique. La présence de la mère a donc une action calmante. Par ailleurs, l'enfant tyrannise sa mère, et celle-ci lui sert d'Objet contra phobique. Notons que dans le cas d'une psychose symbiotique, et dans la mesure où la présence de la mère le rassure, l'enfant pourra tirer parti des nouvelles expériences. A l'inverse, un enfant autiste ne tirera pas parti des expériences nouvelles;
- Formes intermédiaires : on remarque dans le fonctionnement de ces enfants des positions autistiques et des positions symbiotiques. On peut donc dire qu'il y a deux polarités, à savoir une polarité autistique où l'isolement est une défense, et une polarité symbiotique où la communication provoque une telle panique que l'enfant se colle à la mère.
Il survient quand, devant une réalité trop angoissante, nous nions l'évidence, comme si nous ne voulions pas la voir. En réalité, c'est que nous ne pouvons pas la voir tant elle serait douloureuse ou difficile à assumer.
Un déni très concret en médecine est le déni de grossesse. Il s'agit de femmes qui, enceintes, ne se rendent pas compte qu'elles attendent un enfant. Ce déni peut être partiel. Il dure alors seulement une partie de la grossesse. Mais il peut aussi être total, jusqu'à l'accouchement. C'est ainsi que certaines femmes accouchent seules sans jamais avoir réalisé qu'elles étaient enceintes. Aucun rapport avec des limitations d'ordre intellectuel, il s'agit de femmes qui n'ont pas intégré les signaux de leur corps, qui ne les ont pas percus. Et cela peut se produire dans n'importe quelle couche de la société, y compris chez des femmes qui sont déjà mères. Le plus étonnant chez ces femmes qui dénient leur grossesse réside dans le fait qu'elles ne manifestent souvent aucun symptôme : leur ventre ne grossit pas, leurs seins non plus, elles n'ont pas de nausées Leur corps suit la croyance de leur esprit qui est " je ne suis pas enceinte ". La cause de cette réaction étonnante est l'angoisse énorme qu'entraînerait cette grossesse. Le cerveau réagit comme s'il ne pouvait accepter la réalité. Il existe aussi d'autres dénis protecteurs, comme celui qui se met en place devant une maladie. L'annonce de cette maladie est tellement horrible qu'on a l'impression que la personne ne l'a pas entendue, assimilée. Plus observé encore, le déni d'infidélité : " tout le monde le savait, sauf l'intéressé qui se voilait la face ". Quand on ne veut pas voir la réalité, une partie de notre cerveau réussit à l'occulter. Et ce stratagème ne se fait pas consciemment, c'est une sorte de réflexe de sauvegarde devant une angoisse apparemment insoutenable. Pour ces raisons, le phénomène de déni de la réalité est considéré comme un mécanisme de défense contre une angoisse. C'est pourquoi il n'est pas bon de vouloir casser ce déni sans se poser la question suivante : " De quoi protège-t-il cette personne ? Quelle est son angoisse sous-jacente qui ne lui permet pas d'ouvrir les yeux ? " Dans les cas extrêmes, ce déni de la réalité peut aller jusqu'à la psychose, c'est-à-dire la maladie mentale. Une personne peut refuser le monde tel qu'il est et le considérer de manière totalement autre, comme un monde parallèle. Mais la plupart des dénis se cantonnent à un domaine précis, celui où nos éprouvons des faiblesses, où nous sommes fragiles ...
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Le déni comme mécanisme de défense
Bernard PRENOT
Dénier des faits constitue une double négation et se rapproche de désaveu ou de démenti des faits, et en allemand va jusqu'à évoquer Verleugneug, "ce qui n'est pas arriver, non advenu". Le déni est l'action de refuser la réalité d'une perception perçue comme dangereuse ou douloureuse pour le moi. (Les mécanismes de défense). le déni protège le moi en mettant en question le monde extérieur, par opposition au refoulement qui effectue un travail similaire mais en faisant basculer à l'intérieur cette même réalité intolérable qui se trouve alors intégrée. Le déni engendre, lui, une absence de conflictualité, puisqu'il fait coexister au sein du moi deux affirmations incompatibles, qui se juxtaposent sans s'influencer. En prenant appui sur le clivage, il donne au moi la possibilité de vivre sur deux registres différents, mettant côte à côte, d'une part, un "savoir" et de l'autre, un "savoir-faire" infirmant ce savoir, sans lien entre les deux. On se trouve ainsi dans une sorte d'en-deçà du conflit, une suspension de tout jugement généralement effectuée face à la perception d'un manque, d'une absence, d'une perte pourtant évidents aux yeux du monde environnant.
Le déni de la réalité est le terme employé à partir de 1924 par Sigmund FREUD dans un sens spécifique : mode de défense consistant en un refus par le sujet de reconnaître la réalité d'une perception traumatisante, essentiellement celle de l'absence de pénis chez la femme. Ce mécanisme est particulièrement invoqué par le père de la psychanalyse pour rendre compte du fétichisme et des psychoses (LAPLANCHE et PONTALIS). On trouve dans l'Abrégé de psychanalyse, de 1938, l'exposé le plus complet de cette conception. Ce sens précis, d'abord rattaché au complexe de castration, évolue peu à peu dans son oeuvre, pour se rapprocher du clivage du moi (le clivage du moi dans le processus de défense, 1938). Les deux attitudes du fétichiste - dénier la perception du manque de pénis chez la femmes, reconnaître ce manque et en tirer les conséquences (angoisse) "persistent tout au long de la vie l'une à côté de l'autre sans s'influencer réciproquement. Ce qu'on peut nommer un clivage du moi." Ce clivage est à distinguer de la division qu'institue dans la personne tout refoulement névrotique.
Les deux auteurs écrivent à la fin de leur article consacré au Déni (- de la réalité) : " (...) Si le déni de la castration est le prototype, et peut-être même l'origine, des autres dénis de la réalité, il convient de s'interroger sur ce que Freud entend par "réalité" de la castration ou perception de celle-ci. Si c'est le "manque de pénis" de la femme qui est dénié, il est difficile de parler de perception ou de réalité, car une absence n'est pas perçue comme telle, elle ne devient réalité que dans la mesure où elle est mise en relation avec une présence possible. Si c'est la castration elle-même qui est rejetée, le déni porterait non sur une perception (la castration n'étant jamais perçue comme telle) mais sur une théorie explicative des faits (une "théorie sexuelle infantile"). On se rappellera, à ce propos, que Freud a constamment rapporte le complexe ou l'angoisse de castration, non à la perception d'une pure et simple réalité, mais à la conjonction de deux données : constatation de la différence anatomique des sexes et menace de castration par le père. (...)" Cette notion est très distincte de la dénégation, qui, elle, est le procédé par lequel le sujet, tout en formulant un de ses désirs, pensées, sentiments jusqu'ici refoulé, continue à s'en défendre en niant qu'il lui appartienne.
Serban INOESCU, Marie-Madeleine JACQUET et Claude LHOTE, en accord avec ce qui précède, indiquent que Sigmund FREUD n'intègre pas, dans ses derniers écrits, ce processus de déni dans les "défenses du moi" telles que le refoulement et l'isolation. Par contre, nombre de ses successeurs n'hésitent pas à le faire.
Ainsi Anna FREUD (Le moi et les mécanismes de défense) le range dans les mécanismes de défense, non sans selon eux une certaine confusion (imputables en partie à des erreurs de traduction) qui perdure. Elle décrit deux mécanismes relevant du déni et pourtant traduit par "Négation par le fantasme" et "Négation par actes et paroles". Seule la négation par actes relèverait du déni, la négation en paroles correspondant plutôt à la dénégation...
Mélanie KLEIN (1952) met l'accent non sur le déni de la réalité extérieure, mais sur le déni de la réalité psychique, dans sa description de la défense maniaque. Les défenses maniaques reposent sur un déni de trois sentiments : l'omnipotence déniant la dépendance, le triomphe comme déni des vécus dépressifs et le mépris de l'objet comme déni de la valeur de cet objet.
Jacques LACAN (1957) construit le modèle de la forclusion sur le déni, celle-ci étant définie comme le "défaut qui donne à la psychose sa condition essentielle, avec la structure qui la sépare de la névrose".
J SANDLER (notamment dans L'analyse des défenses. Entretien avec Anna FREUD, PUF, 1985) travaille beaucoup la différence entre déni et refoulement.
Bernard PRENOT fait le compte de toutes les illustrations cliniques de déni fournies par Sigmund FREUD dans toute son oeuvre et montre qu'elles se ramènent à deux cas de figures : le déni de l'absence de pénis chez la femme et le déni de la mort du père. "Le déni est toujours déni d'absence, d'où son incidence majeure sur le processus de symbolisation. Freud pose en effet comme condition de celui-ci la capacité de se représenter l'objet comme pouvant manquer. (...) Le déni (d'absence) constitue donc une entrave foncière au processus même de constitution de la réalité psychique, à l'inverse de la négation qui opère comme temps premier de la reconnaissance mentale (préconsciente) de quelque chose. C'est ainsi que déni et négation diffèrent radicalement en tant qu'opérations logiques". "Dans la cure de patients marqués par un déni durable, tout se passe comme s'ils se laissaient à l'"autre" de la relation thérapeutique la tâche de penser pour eux l'impensable, d'articuler l'incompatible. Cela s'effectue notamment au travers du mécanisme d'identification projective qui nécessite de la part de cet autre une dépense psychique considérable, dans un vécu souvent pénible. Un tel détour par l'économie psychique du thérapeute apparaît comme une condition nécessaire, quoique non suffisante, pour que le sujet parvienne à intégrer ces données dans un jeu symbolique où le principe de plaisir retrouverait sa suprématie."
(Bernard PRENOT, Article Déni dans Dictionnaire international de la psychanalyse, Hachette Littérature, 2002 ; Serban IONESCU, Marie-Madeleine JACQUET et Claude LHOTE, Les mécanismes de défense, Nathan Université, 2003 ; Jean LAPLANCHE et Jean-Bertrand PONTALIS, PUF, 1976.)
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Qu’on l’entende au sens commun, ou dans son acception psy, le terme déni correspond à un refus. Freud utilisera le terme dès 1905 à propos de l’attitude du petit garçon déniant l’absence de pénis chez la femme. Par la suite, quelque vingt ans plus tard, il le conceptualisera en tant que mécanisme opposé au refoulement. Ainsi, la représentation, l’affect, la pulsion refoulée est stockée plus ou moins profondément dans un coin de l’inconscient. En cas d’échec ou d’insuffisance dudit processus le refoulé fait retour sous forme de symptômes, lapsus, rêves, etc… On peut dire que le refoulement est le mécanisme majeur dans la constitution des personnalités de structure névrotique, ce que nous appelons de manière restrictive les gens normaux. Bien que le terme refoulement ait une connotation péjorative, rappelons qu’il s’agit également d’un processus nécessaire pour que s’établisse la santé. Le déni, quant à lui, refuse la perception, ne la laisse pas entrer, elle ne parvient pas à l’inconscient, elle n’existe pas. Selon Freud, dans le cas du refoulement, le moi se défend d’une réalité intérieure, une pulsion, alors que s’agissant du déni c’est la réalité extérieure qui est rejetée. A cela, Mélanie Klein ajoutera le déni de la réalité psychique. Quant à Lacan, c’est à partir du déni qu’il développera le concept de forclusion. Quoi qu’il en soi, ce qui est dénié ne peut faire retour puisque non advenu. Par conséquent, confronté à la perception déniée, le moi ne peut que produire une réponse inadaptée, délirante ou hallucinatoire, puisqu’il est mis en présence de ce qu’il ne peut intégrer. La réponse du moi aura donc pour fonction de se protéger de n’importe quelle façon contre l’angoisse intolérable provoquée par l’inconcevable. Un exemple courant est celui du déni associé à la mort d’un être cher. Le moi peut ainsi maintenir la personne en vie sous forme d’hallucinations. Nous sommes là dans le cadre d’une défense de mode psychotique, bien qu’un symptôme isolé ne suffise pas à déterminer une structure de personnalité. Dans le cas d’une défense de mode névrotique, utilisant donc le refoulement, le moi pourra refouler sa douleur en se focalisant par exemple sur le chagrin d’un proche sur lequel il pourra recentrer son attention, se maintenant ainsi du coté de la vie tout en intégrant la réalité de cette mort, bien que refoulant les affects intolérables lui étant associés. Toutefois, si le déni est le pendant psychotique du refoulement névrotique, les organisations limites de la personnalité, dites aussi borderline, partages leurs défenses avec les structures psychotiques, dont, bien sur, le déni. Si le principe en demeure identique, leur mode de fonctionnement diffère. Concernant le déni, celui-ci portera principalement sur le fait de ne pouvoir reconnaître à l’autre un narcissisme propre. Enfin, précisons qu’un mécanisme de défense ne peut être observé en l’isolant de ceux lui étant associé. Ainsi, déni, clivage et projection sont-ils intimements liés, eux-mêmes associés à d’autres. Aussi, prudence, c’est comme pour les trains, un mécanisme peut en cacher un autre. Ne faisons pas comme ces rebouteux de l’âme qui, trop contents d’identifier une apparence pour le coup trompeuse, vont étiqueter le client de manière erronée, lui promettant ainsi quelques belles années d’errance soi-disant thérapeutique. Ceci étant ce n’est pas une raison pour refouler le déni et d’en regarder au moins les éventuelles conséquences sociales lorsque c’est l’appareil institutionnel qui en fait usage, sans toutefois oublier que derrière l’appareil il y a des hommes l’ayant conçu, et qui le maintienne en l’état, si j’ose dire. La question peut être alors, de même qu’en psychopathologie, de déterminer les mécanismes de défense d’un système qui d’évidence ne tourne pas très rond et voir de quelle manière, nous, infimes maillons pour grande partie déniés, pourrions contribuer à sa guérison et, par là même, améliorer notre "maillonitude". Certes, les conséquences fâcheuses des troubles du système concerne peu de monde, seulement les marginaux, les vieux, les jeunes, les chômeurs, les SDF, les handicapés, les femmes, les juifs, les arabes, les noirs, les PD, les gauchistes, les gros, etc… Bref, une infime minorité. Par le passé, lorsque ladite minorité en avait assez, on coupait des têtes. Puis vint la mitraillette, les explosifs, la chimie au service du prolétariat, Marx, Bakounine, etc… En somme, de Ravachol à Gandhi, des contre systèmes ayant montrés leurs limites, pratiquant eux aussi le déni de l’individu, c'est-à-dire de la réalité. N’oublions pas que si système il y a, celui-ci n’existe théoriquement que pour servir les intérêts de ceux qui en sont l’essence. On ne s’organise pas en société pour flatter quelques égos singuliers, mais parce qu’ensemble on est plus fort, plus à même d’encaisser le réel, et qu’il est plus facile de faire la fête à plusieurs que tout seul. Or, non seulement on ne rigole pas tous les jours, mais du gâteau créé par tous, chacun à sa mesure, seul un petit nombre s’empifre. Et pour nous faire passer la pilule, en place du gâteau, on nous dit "ayez le sens des réalités, il ne peut y en avoir pour tout le monde". Ah bon! la démocratie nous priverait donc de dessert? Quant à "liberté, égalité, fraternité" sûrement s’agit-il d’humour noir. C’est un peu comme dans la religion, "aimez vous les uns les autres" qu’y disaient. Après tout, les dieux aussi ont le droit de s’amuser, l’austérité c’est bon pour les hommes. Heureusement qu’autour de nos sociétés existent les étrangers, menaçants, prêts à violer nos filles et nos compagnes, et qu’il nous faille rester groupés pour abreuver d’un sang impur, le jour venu, les silos de notre pâtisserie.
Donc, on ne peut isoler un mécanisme de défense sans tenir compte de ceux lui étant associés, en l’occurrence, principalement le clivage et la projection. Concernant le clivage, le moi douloureusement sollicité se scinde en deux parties ne communiquant pas entre elles, l’une prenant compte des désagréments de la réalité, l’autre déniant cette dernière lorsque devenue intolérable. Les deux parties demeurent antagonistes, sans formation de compromis possible. Le moi passe de l’un à l’autre de ces secteurs clivés, verrouillés, au gré des sollicitations auquel il est soumis. Une partie intègre intellectuellement les différentes composantes de la réalité, constituant ainsi un savoir, l’autre partie, usant pour ce qui nous intéresse du déni, se constitue à l’opposé un savoir-faire en formatant la réalité selon ses besoins. Ajoutons à cela une bonne dose de projection, c'est-à-dire d’attribuer à l’autre ce que le moi ne peut reconnaître en son idéal, comme par exemple une pulsion de destruction, et nous avons là, à divers degrés qu’il ne conviens pas de détailler ici, le fonctionnement paranoïaque typique de tous nos pourfendeurs de désordre, toujours prêts à lutter contre une menace extérieure sur laquelle ils projettent leur plus bas instincts. Et comme ceux d’en face font pareil, tôt ou tard ça fait des étincelles. Ici, le terme d’objet, pour désigner son semblable, semble tout à fait adapté puisque celui-ci n’est toléré qu’en tant qu’il se laisse instrumentalisé, comme le bon peuple, par opposition à la racaille.
Un décideur, par définition, est celui qui décide pour les autres, les objets. Il s’agit donc d’un être particulièrement compétant, du moins que la communauté reconnaît comme tel. C'est-à-dire qu’elle projette en lui une capacité de choix dont elle s’estime dépourvue. Par exemple, de qui aura le droit de manger le gâteau et en quelle quantité? A l’opposé, chez le décideur, sans entrer dans les fonctionnements pervers dont nous ne pouvons supposer qu’il fasse usage, et ne me dite pas qu’il s’agit là d’un déni de la réalité, le décideur, donc, pour se faire connaître et reconnaître, doit faire passer le message que sa conception de l’organisation sociale est la plus à même d’apporter joie et prospérité à la communauté, et cela à plus ou moins court terme. Un bon moyen de parvenir à ce résultat passe par la projection: isoler en l’objet ses propres pulsions indésirables afin de les manipuler, de l’extérieur en quelque sorte. Se pose alors la question, dans ce cadre précis, de savoir si ce qui échappe à la projection est dénié ou refoulé, les conséquences en étant fort différentes. Rappelons que le refoulé peut faire retour, qu’il est symbolisé avant d’être stocké, alors que le dénié, selon la terminologie lacanienne, appartient au réel, qu’il n’est pas symbolisable, qu’il ne peut être énoncé, que le moi en butte à l’objet de son déni ne peut qu’être hors sujet, dans tous les sens du terme. Grâce au clivage et aux moyens mis en œuvre pour que le moi reste dans sa zone adaptée l’objet du déni peut y cohabiter intellectuellement, mais si celui-ci se fait trop insistant, que le moi pour se défendre n’est d’autre choix que de basculer dans son secteur "savoir-faire" plutôt que "savoir", il produira donc une réponse délirante face à l’indicible ou, s’il s’agit d’une organisation limite, sans entrer dans le détail du processus, il basculera dans la dépression. Quoi qu’il en soit, lorsque ce type de fonctionnement ayant pour base le déni caractérise l’appareil social, ce sont les appareillés qui trinquent, autrement dit le bon peuple. Quant à la racaille, plus difficilement instrumentalisable, elle est mieux armée pour se défendre, d’où sa fonction de bouc émissaire. Précisons toutefois que par "racaille", étant moins restrictif que notre président, j’entends le sens que les Communards donnaient à ce terme, à savoir, ceux qui refusent l’instrumentalisation que leur propose l’appareil, bien qu’au profit d’autres modèles qui, nous l’avons vu, pratiquent aussi le déni.
Bien sur, quoi que la tentation soit grande, mon intention n’est pas de dire que tous nos décideurs soient de structure psychotique ou non établie dans un état limite ou pervers, construisant notre réalité sociale, la leur, sur fond de déni. D’autre part, les tentations idéologiques sont grandes d’attribuer à ceux avec lesquels on n’est pas d’accord une étiquette qui nous arrange, en l’occurrence celle de malade. De telles dérives ont par le passé été l’un des principaux marqueur du modèle totalitaire. D’ailleurs l’argument peut facilement se retourner vers celui qui l’énonce, s’agissant alors d’attribuer à l’autre le dérèglement que l’on ne peut voir chez soi. Ainsi, notre déni de la réalité sociale, notre inadaptation dirait certains, ayant pour conséquence une construction apparemment rationnelle, bien que délirante ou dépressive. Cependant, j’ose penser que le pouvoir, y compris celui se revendiquant démocratique, croise au moins parfois la pathologie, ou la santé, c’est selon, et que l’archétype ci avant proposé n’est pas une pure fiction. Par contre, si le fait d’appartenir à une structure sociale ou idéologique nous offre peu de recul pour prendre conscience des délires qu’elle produit sur fond de clivage et déni, il en est d’autres, plus lointain, que l’on peut observer. Donc, pour finir sur un autre registre, je prendrais l’exemple de cet homme en noir, portant robe et chaussettes, ce qui en soi est déjà discutable, nous promettant chaque dimanche la vie éternelle en agitant un appareil à fumée et, nous invitant pour ce faire à manger symboliquement un peu du corps d’un type mort il y a deux mille ans, qui parait-il aurait ressuscité. Pourtant, en dehors de son passage à l’acte dominical, délirant et obsessionnel, notre sermonnaire est un homme en bonne prise avec la réalité. Peut-être faut-il voir de cela une belle démonstration de déni du réel, en l’occurrence la mort. Le "aimez vous les uns les autres" n’est pas mal aussi comme déni de l’altérité. J’ajouterais juste qu’il n’est pas insensé de penser que d’être formaté par un système s’enracinant pour partie dans la pathologie puisse nous amener à considérer sa morbidité constitutionnelle comme paradigme de la normalité. Mais si nous rejetons la Culture nous permettant d’envisager une structure sociale plus saine, peut-être, alors, s’agit-il du déni de cet informulable réel que serait la santé, et qu’il est plus facile d’apprivoiser la mort par un quelconque délire.