Le Rêve Eveillé Dirigé de Robert Desoille

UN REVE BIEN SINGULIER
Allongé, détendu, dans une pièce obscure et silencieuse, un sujet décrit les images qui défilent derrière ses yeux fermés. De temps en temps, son auditeur lui suggère d'en faire apparaître de nouvelles, de leur donner un décor, de les mettre en mouvement. Tout en restant éveillé, le rêveur les agencent peu à peu en un véritable scénario qui semble échapper à sa volonté. Son rêve devient histoire, prend un sens, se charge de sentiments et se met à refléter les comportements habituels du patient face à des situations analogues. Un décryptage ultérieur permettra, par l'analyse des symboles présents dans son rêve, de trouver l'origine de ses réactions et d'en corriger les aspects négatifs.
"La technique du rêve éveillé dirigé, écrivait en 195O Robert Desoille qui l'inventa dans les années vingt, consiste à orienter la rêverie à laquelle le sujet est invité à se laisser aller en le priant de se mouvoir dans l'espace imaginaire qu'il crée." "Rêverie" ? "Laisser aller" ? "Invité" ? A première vue, le rêve éveillé dirigé (le RED) n'est donc pas un vrai rêve. Il n'est pas non plus si éveillé que cela. On le dirige plus avec des compromis et des suggestions qu'en lui donnant des ordres.
Étrange état donc, ni sommeil, ni veille, ni hypnose non plus, mais qui a pris aux trois des aspects essentiels. Il a du rêve nocturne les images oniriques, incontrôlables et débridées. Mis en mots au fur et à mesure de son déroulement, dans un récit dont le souvenir persiste, il emprunte à l'éveil la parole et la mémoire. L'emploi de suggestions fait penser à l'hypnose. La relaxation et le maintien de la conscience qui le caractérisent pourraient le rapprocher de la méditation, s'il n'était pas souvent accompagné de réactions physiques incontrôlées et intenses. Le RED n'est pas non plus une simple rêverie. Le psychologue, rappelant par sa présence et ses sollicitations le but thérapeutique de la cure, empêche les mécanismes compensatoires et l'autosatisfaction que la rêverie solitaire entraîne si souvent. S'agirait-il d'un phénomène trop étranger à l'expérience ordinaire pour pouvoir être défini par des mots plus exacts ?
En attendant que la science l'étudie sérieusement et que la philosophie occidentale daigne s'y intéresser, il ne reste plus qu'à faire rentrer ce rêve singulier dans le sac fourre-tout des "états modifiés de conscience", au fond duquel l'attend déjà, ébauche primitive, le rêve nocturne lui-même. La traître imprécision du langage expliquerait-elle aussi l'aspect réducteur de la psychanalyse, qui tente d'enserrer l'insaisissable rêve dans le carcan d'un discours rationnel ?
Cette pratique marque en tout cas le renouveau de l'utilisation de l'onirisme en lui-même, et non plus comme objet d'une analyse le passant au filtre d'une théorie du psychisme, fût-elle aussi élargie que la conception jungienne. Desoille lui fixait deux conditions : "l'abstraction de tout esprit critique et le souvenir précis de tout ce qui s'est passé pendant la séance". Le rêve éveillé ne fait en effet pas seulement apparaître les complexes, tendances et blocages que le patient ne veut ou ne peut s'avouer. Il l'entraîne aussi à les vivre autrement, dans des situations imaginaires, ce qui suscite moins de réticences puisqu'il ne s'agit pas de sa vie active, dans laquelle ces tendances se sont cristallisées en comportements néfastes. Plus encore, pour Desoille qui refusait le terme d'inconscient et préférait parler de niveaux de conscience, "le rêve éveillé dirigé permet de provoquer des réactions affectives qui révèlent des aspects de l'activité psychique n'ayant d'équivalent que dans la Fable et les visions mystiques". Une version moderne et psychologique du rêve d'incubation ?
LE REVE MIS EN PRATIQUE
Une séance dure environ deux heures et débute toujours par une conversation. La première fois le patient expose son problème, qui peut aller d'un simple désir d'augmenter sa créativité jusqu'à de graves névroses. Le thérapeute, que les praticiens actuels préfèrent appeler un "moniteur" (du latin monitor : celui qui avertit), lui présente la théorie du RED, en insistant sur le rôle actif que le patient doit jouer. Aux séances suivantes la discussion portera sur la relation écrite qu'il aura préparée du rêve éveillé précédent, et si possible sur ses rêves nocturnes. Dans certains cas il se verra imposer des obligations comportementales (réveil à heure fixe, changement des habitudes alimentaires, activité physique).
Le patient se détend ensuite pendant quelques minutes en respirant profondément, étendu sur un divan et recouvert d'une couverture qui lui évitera la chute de température qu'entraînent parfois les états altérés de conscience. Le moniteur lui propose alors de visualiser une image de départ, qui peut varier selon les thérapeutes et les patients ou être choisie, par l'un ou l'autre, en fonction d'un rêve nocturne, d'un événement quotidien ou d'une image non clarifiée du rêve éveillé précédent. Dans tous les cas, l'image de départ doit être celle d'une chose concrète, susceptible d'être décrite sous plusieurs formes. Elle doit permettre l'évocation d'éléments pouvant s'y rattacher (personnages, objets, souvenirs), et surtout celle de paysages et de décors dans lesquels la situer. Une fois l'image de l'objet de départ précisée, le moniteur demande au rêveur de décrire le décor, puis il l'invite à mettre son scénario en mouvement. Le mouvement constitue en effet l'élément essentiel de cette thérapie. Il favorise l'apparition spontanée d'images et de situations nouvelles qui vont révéler les problèmes du sujet ainsi que les grands thèmes de sa symbolique personnelle.
Régulièrement, le moniteur demande au rêveur de revoir l'objet de départ et d'en décrire les changements. Il l'invite à préciser les différents éléments apparaissant dans son rêve, en lui demandant par exemple, après avoir laissé agir un moment un nouveau personnage, qui il représente pour le rêveur. Il n'a d'ailleurs pas toujours besoin de poser des questions, car le sujet, en décrivant la scène, fait souvent de lui-même des interprétations.
La séance tourne parfois au cauchemar, provoquant des réactions de défense, de colère ou de violence. Toute réserve est alors impossible. Il vaut mieux libérer cette agressivité, qui pourra ensuite être dominée par la raison, la lucidité et le calme au lieu d'avoir été réprimée par la peur ou la censure. Le moniteur laisse donc toujours le sujet aller au bout de ses mouvements et rencontrer ses démons personnels, sans imposer de réserves à l'agressivité à moins qu'elle ne soit perverse ou morbide.
Si le rêveur se voit comme victime de violences ou lorsque le processus onirique semble bloqué, le moniteur suggère de faire intervenir des moyens magiques, cercle de protection, être surnaturel, baguette de fée, etc., destinés à éviter une réaction de fuite. Ils ne servent que le temps de faire disparaître l'angoisse, puis le rêveur doit repartir à l'attaque. On pense aux Sénoï de Malaisie (voir "Le rêve dans les civilisations"). Il sera fait de moins en moins recours, au cours de la cure, au caractère magique de ces "images de protection ou d'appui". Elles permettent dans un premier temps au rêveur de vaincre ses blocages ou ses peurs et lui apprennent à développer peu à peu ses propres stratégies, transposables dans la vie réelle.
Quel que soit le déroulement ou le résultat du voyage onirique, la séance se termine presque toujours par une ascension suggérée par le moniteur. Elle permet de rétablir le confort du rêveur, qui visualise souvent une source de chaleur lumineuse. Il est invité à s'en imprégner, à s'y réchauffer. Seulement alors pourra-t-il redescendre, achevant la séance dans le calme et la sérénité.
LES IMAGES ONIRIQUES
Pour Robert Desoille l'onirisme offre l'avantage de poser avec évidence la question de la matérialité des images, qu'il est erroné de prendre pour le résultat d'une perception plus ou moins bien restituée par la mémoire. Entre la perception et la restitution, l'image s'imprègne en effet selon lui, par association ou opposition, d'autres représentations déjà présentes ou survenues entre-temps. Elle se charge de signification. Le rêve nocturne conduit ainsi souvent à l'apparition de scènes qui semblent ne se rattacher à aucune réalité connue du rêveur. L'un des buts du rêve éveillé dirigé est de lui faire réaliser que ces images oniriques proviennent, écrivait Desoille, "d'un niveau de conscience non encore exploré qui ne devient accessible à l'investigation que par le jeu d'un déplacement, d'un mouvement dans l'espace imaginaire du sujet". Ce mouvement constitue le coeur de la pratique du RED.
Une des spécificités de cette pratique est la suggestion par le moniteur d'images destinées à déclencher ou à orienter le processus onirique. On utilise ainsi généralement comme images de départ des premières séances celles d'une épée pour les hommes ou d'un vase pour les femmes, objets dont le symbolisme sexuel évident permet de définir l'image que le patient cultive de lui-même. Des images tout aussi précises accompagnent ensuite les invitations aux mouvements. Le travail d'exploration des relations avec autrui est provoqué à l'aide d'une suggestion de descendre à la recherche d'un sorcier (pour une femme) ou d'une sorcière (pour un homme), que le rêveur doit essayer de maîtriser et de se concilier. Au retour du sujet, ces personnages symboliques révèlent souvent leur véritable identité, celle de personnes ayant joué un rôle important dans la structuration de son rapport à autrui. D'abord exploratoires et donc révélateurs de l'imaginaire du sujet, ils deviendront peu à peu, au cours de la thérapie, ses alliés dans la construction d'une personnalité plus équilibrée et plus créative.
A côté des images suggérées, trois sortes d'images oniriques apparaissent spontanément pendant la pratique du rêve éveillé dirigé. Certaines, proches du rêve nocturne, reproduisent la vie réelle en la déformant assez peu. Elles ne serviront guère qu'à amorcer des processus de représentation plus profonds. D'autres, que Desoille appelait "mythologiques" et que Jung dirait archétypiques, sont comparables à celles des contes et des fables. Les plus positives sont généralement liées à l'ascension : fées ou vieux sage, anges et figures religieuses pour les croyants. La descente provoque l'apparition d'images le plus souvent négatives, gnomes, monstres, pieuvres ou dragons.
La valeur symbolique et la charge émotionnelle des images archétypiques varient selon les rêveurs. Une personne ayant souffert par exemple d'une éducation religieuse trop rigide et répressive pourra considérer comme négatifs certains personnages perçus habituellement comme favorables (prêtres, religieuses, etc.). Elle pourra même inverser carrément la valeur attribuée à l'ascension, terme chargé pour elle de souvenirs déplaisants. Cependant dans la plupart des cas les images oniriques ont tendance à revêtir une valeur, et surtout un sens, universels.
Cette universalité est encore plus marquée dans un troisième type d'images spontanées dont Desoille fut frappé de devoir constater les similitudes avec les visions mystiques : lumière intense irradiant paix et amour dans les rêves d'ascension, brasiers cosmiques ne brûlant qu'en cas de forte angoisse dans les phases de descente. "Si les formes sont absentes de ces représentations, notait Desoille, celles-ci sont parfois très riches quant aux sentiments vécus : impression profonde de paix et de sérénité, disposition à une extrême bienveillance, et accompagnées d'un sentiment de présence bien connu de ceux qui ont étudié la psychologie des mystiques." Agnostique, Desoille hésitait à conclure de ces images qu'un au-delà du symbolisme existe. Il leur reconnaissait néanmoins un rôle fondamental dans les processus de sublimation.
LA SUBLIMATION, LE REVE ET LE MOUVEMENT
Comment un individu décide-t-il de sublimer ses pulsions sexuelles ou agressives, socialement réprouvées et génératrices de conflits intérieurs, vers des buts plus conformes à ses propres normes morales ? La sublimation, que Freud tenait pour preuve du succès d'une cure, reste très mal définie par la psychanalyse, y compris jungienne, qui n'en décrit jamais les mécanismes.
Le premier livre de Desoille, publié en 1938, portait comme sous-titre "sublimation et acquisitions psychologiques". Le RED y est présenté comme une "exploration du processus de sublimation par l'utilisation de représentations en mouvement". Pour la première fois une pratique psychologique donne une place à la verticalité, caractéristique du phénomène humain. Pour la première fois surtout, sont explorés et exploités les impacts du mouvement sur le psychisme. C'est une révolution, encore trop ignorée, qui oblige à constater combien les théories psychologiques plus classiques se refusent à dépasser l'esthétisme sportif d'inspiration cicéronienne ("mens sana in corpore sano") qui tient lieu pour la pensée occidentale de symbole d'harmonie entre le corps et l'esprit.
On est encore loin du yoga ou de la véritable philosophie des arts martiaux. Le mouvement reste imaginaire. Il n'en est pas moins important car, écrivait plus tard Desoille, "c'est dans la mesure où l'idée d'un mouvement dans le rêve s'avère difficile à accepter que le patient a des difficultés à vivre". Après les images, le mouvement donne aux humains un "deuxième système de signalisation". Sa représentation symbolique, beaucoup utilisée dans les contes, la poésie et les mythes, constitue la base du rêve éveillé dirigé, un facteur qui en fait le précurseur des thérapies modernes dites alternatives, où le geste joue souvent un grand rôle.
Pour Desoille, "le mouvement est le signe même de la vie et de la liberté". Inviter un sujet à emprunter, même imaginairement, un escalier qui monte ne produira pas les mêmes effets que lui suggérer de descendre. L'idée paraît si évidente qu'on reste sidéré qu'elle ne soit pas depuis longtemps à la base des théories psychologiques ! Les images et les sentiments qu'évoque l'idée d'avancer, de monter, d'ouvrir une porte ou de saisir un objet en révèlent plus sur un individu que n'importe quelle analyse statique des profondeurs de son psychisme, explique Desoille, parce que "le mouvement provoque la représentation de nouvelles situations permettant d'observer ses réactions affectives". Chez les droitiers par exemple, se tourner imaginairement vers la gauche déclenche un retour vers le passé, vers la droite une projection dans l'avenir. Pourquoi ? "On touche ici aux sources biologiques de l'affectivité", estimait Desoille. Les gestes expriment des sentiments, mais dépendent aussi d'habitudes corporelles. Le bras droit servant pour un droitier à l'action ou au don, il indique des sentiments positifs et contribue à faire du côté droit le symbole de l'optimisme et de l'avenir.
Les mouvements selon l'axe vertical prennent une valeur encore plus significative et universelle. Il suffit de penser un instant à ce qu'évoquent les adjectifs haut et bas ! "L'effort d'ascension soutenu par le sujet au cours de sa rêverie fait apparaître des images de plus en plus lumineuses, qu'accompagne un sentiment d'euphorie diversement nuancé, constatait Desoille. Au contraire, la descente provoque des images sombres avec des sentiments de tristesse, d'inquiétude, voire d'angoisse." Le rêve éveillé dirigé, qui considère la sublimation comme une réconciliation des dimensions spirituelles et physiques de l'être humain, fait largement appel au symbolisme de la verticalité, dont il utilise les grands thèmes dans une optique délibérément pratique.
Toute session comporte son lot d'ascensions et de descentes, ponctuées d'arrêts où s'expriment les résistances et les difficultés du sujet à surmonter ses complexes, blocages ou névroses. Atteindre le sommet d'un montagne permet par exemple d'y trouver la lumière qui éclairera la solution d'un problème et restaurera la confiance. Descendre dans un puits, une grotte ou dans la mer revient à explorer les régions obscures de l'être et à prendre contact avec les instincts les plus profonds de l'affectivité du sujet. Il y trouvera l'origine de ses réactions devant les autres, souvent provoquées par les relations avec ses parents et symbolisées par l'apparition d'êtres plus ou moins menaçants (pieuvre, sorcier, dragon) ayant chacun sa signification, mais que le moniteur lui enjoint de dompter et de prendre comme guides des lieux à explorer, voire même comme compagnons d'une ascension subséquente. Les profondeurs ne sont d'ailleurs pas toujours entièrement négatives, car on y trouve aussi une lumière, feu intense d'une forge ou lave en fusion, qui procure une force physique aussi régénératrice que la lumière spirituelle des sommets.
Les mouvements révèlent ainsi les grandes tendances psychologiques du sujet. Ils le conduisent à créer des situations qui l'obligent à se mettre en rapport avec les images dont ils provoquent spontanément l'évocation. La richesse du vécu et l'apport thérapeutique de cette expérience conduisait Desoille à conclure qu'un "rêveur, éveillé ou non, se déplace comme il vit". Influencés par la psychanalyse, de nombreux commentateurs de sa méthode préfèrent malgré son insistance discourir longuement sur les relations patient-thérapeute, le contenu inconscient des images ou un "espace imaginaire" auquel Desoille n'accordait d'importance que dans la mesure où il reflète le mouvement. La pensée occidentale, qui aime tant se croire philosophie de l'action, renâcle décidément à considérer l'impact psychologique et immédiat des actes ! Le rêve éveillé dirigé, issu de sa logique et donc moins suspect à ses yeux que les pratiques orientales d'intégration psychique du corps, lui rappelle pourtant qu'un geste, même onirique, révèle et transforme son auteur autant que l'objet de son action. Renouant avec son ancestral usage thérapeutique, le rêve vient ainsi contribuer à la réconciliation Orient-Occident dont ce siècle est témoin.

L'INGENIEUR PSYCHOLOGUE
Né en 189O à Besançon, Robert Desoille était fils de général et fut officier pendant 14-18, avant de faire carrière jusqu'en 1953 comme ingénieur en électricité. Syndicaliste, il fut un temps marxiste et se définissait comme un "agnostique ouvert tourné vers une Religion de l'Avenir". Impressionné dès l'âge de sept ans par une séance d'hypnose de foire, il rencontra en 1923 le colonel Castant, inventeur d'une "méthode de développement des facultés supra-normales" basée sur l'ascension d'un escalier monumental au sommet duquel un guide spirituel dispensait dons médiumniques et talents guérisseurs. Délaissant rapidement cette méthode, Desoille en adopta le symbolisme vertical et le pragmatisme pour développer sa technique du rêve éveillé dirigé, qu'il pratiqua jusqu'à sa mort en 1966 et enseigna au sein d'une association baptisée symboliquement l'Elan. Il fut un grand ami du philosophe Bachelard, qui qualifiait le RED de "psychologie ascensionnelle".

"Le rêve éveillé dirigé est une utilisation des représentations en mouvement, à des fins d'investigation psychologique, susceptible par l'ascension et la descente de ramener à la conscience tous les éléments dispersés dans la psyché, pour en effectuer une synthèse définitive et contribuer ainsi à la guérison." R. Desoille, "Entretiens sur le RED en psychothérapie".
NEUROPHYSIOLOGIE
Des électro-encéphalogrammes relevés sur des patients lors de séances de rêve éveillé dirigé indiquent un rythme alpha d'éveil. D'autres études mentionnent un "état proche de la veille tranquille les yeux fermés", ce qui fait peu de cas des épisodes parfois agités de ce voyage onirique. En l'absence de travaux scientifiques vraiment approfondis, les psychologues insistent sur le rôle intégrateur des deux hémisphères cérébraux que constitue la simultanéité d'une verbalisation (processus attribué au lobe gauche) et d'une activité onirique, reliée au monde des images et de l'affectivité propre au lobe droit. Pour les praticiens, cette amélioration de l'interconnexion entre les deux hémisphères cérébraux développe la créativité et la faculté de résolution imaginative des problèmes.
REVE EVEILLE ET REVE NOCTURNE
Le rêve éveillé dirigé n'est pas tout à fait un rêve quoique, disait Desoille, "il soit très proche du rêve nocturne, surtout lors des premières séances". Parce qu'il en partage l'absence d'esprit critique tout en nécessitant un certain degré de conscience, il permet d'éclairer l'état de rêve lui-même, apportant des informations qui semblent démentir de nombreux principes freudiens. Comme Jung, Desoille pensait que le rêve nocturne reste une création originale, même s'il provoque de la part du rêveur des réactions conformes à ses habitudes affectives. Selon lui, la censure n'intervient pas tant a priori pour déformer les images qu'a posteriori pour transformer la réaction affective en un réflexe conditionné. La déformation provient essentiellement "d'une moindre activité et de la coordination défectueuse des centres nerveux pendant le sommeil". Le rêve sert à exprimer un sentiment plutôt qu'un désir déguisé. Comme un tic, il est inconscient de ses habitudes et réactions à certains stimuli, ancrées depuis si longtemps que le rêveur ne peut en comprendre le sens.
Les rêves nocturnes font partie d'une thérapie par le rêve éveillé. A chaque séance, le patient doit raconter ceux qui l'ont le plus marqué depuis la session précédente. Si l'un d'entre eux est particulièrement important ou a été interrompu, il est repris comme début du rêve éveillé. Très souvent, celui-ci explicite le caractère énigmatique du rêve nocturne. Il apporte, par l'expression "en direct" du sentiment, une richesse qui peu à peu transparaît dans les rêves nocturnes. Ceux-ci deviennent moins confus, ternes ou pénibles et souvent, disent les praticiens, plus "élevés". L'amélioration des rêves nocturnes, et notamment de l'attitude du rêveur qui devient plus active face à des situations débouchant autrefois sur l'échec, constitue un critère d'appréciation des progrès de la cure.
PORTRAIT DU MAUVAIS REVEUR
Les mauvais rêveurs éveillés sont de piètres rêveurs nocturnes. Ils se divisent en deux catégories. Les premiers appartiennent au type "fort et déséquilibré" de Pavlov, caractérisé par une grande excitabilité et une inhibition faible. Incapables de se relaxer, l'agitation de leurs représentations mentales prend dès qu'ils sont immobiles le relais de leur hyper activité diurne. Les images défilent et se déforment à toute vitesse sans que le rêveur puisse les suivre. En rêve éveillé ces patients parviennent immédiatement au terme des mouvements suggérés. Le moniteur doit alors les inciter à revenir en arrière et à décrire comment ils y sont parvenus, quels chemins ils ont pris, quels obstacles, personnages et décors ils ont rencontrés. Il leur conseillera d'adopter dans leur vie quotidienne un rythme de sommeil régulier et d'effectuer des exercices respiratoires et de relaxation avant de s'endormir.
L'autre type de patients difficiles est constitué de sujets disant d'eux-mêmes qu'ils ne rêvent jamais ou que leurs rêves reproduisent toujours fidèlement leur vie diurne. En rêve éveillé, la faiblesse de leur imagination se caractérise par la création d'images fixes, très proches du quotidien, face auxquelles ils se montrent incapables d'avancer sans pour autant éprouver ni angoisse ni désir de fuite. Avec eux, la pratique de la visualisation commence par des objets très concrets, faciles à imaginer. Le moniteur les invitera à se représenter la clé de leur porte d'entrée, puis la porte, puis chaque pièce de la maison, chaque meuble, jusqu'à ce qu'apparaisse un élément qui leur déplaît. Il leur demandera alors d'imaginer comment ils voudraient que cet objet soit, puis le décor dans lequel ils voudraient le placer, puis les endroits où ils pourraient l'emporter. Peu à peu, le processus se met en marche. Le secret ? "Insensiblement, par la faculté du désir, écrivait Desoille, le sujet entre dans le rêve sans s'en apercevoir."

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