Pendant 20 ans, le groupe réuni autour d’Inge Strauch, Professeure, et de Barbara Meier s’est très activement consacré à l’étude du rêve. Ces ceux chercheuses ont procédé à une collecte de rêves racontés d’enfants et d’adultes dormant en laboratoire et systématiquement réveillés dans des conditions déterminées. Les principaux thèmes de recherche étaient les suivants : qualité du souvenir des rêve, modes de perception du rêve et modalités d’organisation des fantasmes, influence de la situation précédant le sommeil sur le rêve, connexion entre les motifs de rêve et la situation de vie, individualité et caractéristiques du rêve, rêves étudiés en fonction du stade du sommeil, assimilation des stimulis en rêve et dans les fantasmes, indicateurs physiologiques ?? des rêves. Etudes comparatives et diachroniques des rêves et des fantasmes durant l’enfance. Les deux chercheuses ont publié leurs résultats en 1999 (rapport n° 46 du département de psychologie clinique) sous le titre : "20 Jahre Traumforschung. Studierende entdecken die Welt der Träume und Phantasien". Elles ont aussi publié certains de ces résultats en 1992, dans Den Träumen auf der Spur, résumé de leur travail commun, écrit en collaboration avec leurs étudiants.
Il existe actuellement en Suisse deux groupes se consacrant à l’étude du rêve: celui du professeur Jacques Montangero, à Genève, et le nôtre, à Berne. Le groupe genevois poursuit des recherches dans la voie tracée par J. Piaget ; il étudie les processus impliqués dans la production des rêves en se référant à des phénomènes cognitifs. Si Piaget s’est essentiellement intéressé à la pensée rationnelle, il a tout de même, dans son livre " La Formation du symbole" (1945, publications en langue française), consacré un chapitre (chapitre 7) au rêve. Il y critique la conception que Freud se faisait de la mémoire et de l’inconscient ; il explique la spécificité des représentations oniriques, qu’il considère comme le fruit de deux processus psychologues fondamentaux : l’assimilation et l’adaptation. Dans le rêve, l’assimilation (activation des structures cognitives et affectives du sujet dans le but d’intégrer les données) prédomine largement par rapport à l’adaptation (modification des structures sous la pression de l’environnement). Actuellement, le groupe du professeur Montangero a élaboré une méthode originale de collecte de données concernant l’activité onirique et ses sources ; il considère que la production de rêve dépend de six principaux processus. Le travail du groupe est surtout centré sur la transformation des sources mnémoniques des rêves mais porte aussi sur d'autres sujets. La dernière étude expérimentale compare les récits de rêves des sujets avec leur description d'un court film projeté la nuit.
Le groupe bernois, dont les études portent sur le rêve des personnes âgées, étudie quant à lui les effets de la communication du rêve sur le rêveur. Un projet pilote mené avec l’aide financière du Fonds national de la recherche scientifique s’est achevé en 1998. La possibilité y était donnée à 20 personnes d’un premier groupe, toutes âgées de plus de 62 ans, de raconter régulièrement leurs rêves en téléphonant à une personne spécialement mandatée. L’étude comportait deux groupes de contrôle dont les membres ne disposaient pas de cette possibilité. Les personnes impliquées dans l’étude ont fait preuve d’un grand intérêt pour le sujet et leur collaboration était excellente. Les personnes testées étaient en aussi bonne santé à la fin de l’étude qu’elles l’étaient au départ. Il est donc démontré que le fait de raconter ses rêves n’exerce pas d’effets négatifs sur le rêveur (effets envisageables en raison d’un éventuel potentiel déstabilisateur lié au fait de raconter les rêves et donc d’accorder une importance accrue au contenu onirique). Un second projet également soutenu par le Fonds national s’achèvera prochainement. Son objet est l’effet de la communication des rêves sur des personnes ayant récemment atteint l’âge de la retraite. L’objet principal y est de savoir si le seul fait de raconter ses rêves une fois par semaine exerce un effet bénéfique sur ces personnes qui vivent une phase cruciale de leur vie.
L’étude porte uniquement sur l’effet de l’activité consistant à raconter ses rêves, sans effort d’interprétation, ni accompagnement thérapeutique. Il y a à cela une raison simple et bien précise : de la majorité des institutions s’occupant de personnes âgées, on ne peut en effet pas attendre qu’elles se dotent d’un personnel capable d’assumer un travail d’interprétation des rêves, mais on est toutefois en droit d’en attendre un intérêt général pour le phénomène du rêve.
L’onirologie aujourd’hui
Detlev von Uslar, professeur à Zurich a publié en 1990 Der Traum als Welt, dont le sujet central est l’ontologie du rêve. Selon von Uslar, le rêve est pour le rêveur un monde réel, dans lequel il vit et agit. Le rêve ne devient irréel et ne se transforme en souvenir qu’au moment du réveil. Seul un travail intellectuel subséquent lui confère une signification et en fait un langage imagé. C’est là un aspect souvent négligé (remarque : actuellement, seuls les rêveurs dits lucides estiment leurs rêves réels et agissent vraiment en fonction de leur contenu. Pour les écoles de psychologie des profondeurs, le rêve est une langue spécifique, qu’il s’agit de déchiffrer et de traduire).
Les représentants les plus connus du courant psychanalytique zurichois, relativement libéral, sont Paul Parin et Fritz Morgenthaler, tous deux réputés pour leurs travaux en ethnopsychanalyse. Morgenthaler a aussi accordé une grande importance au rêve et lu a consacré divers livres et articles. En 1998 est paru Botschaft der Träume , du professeur Gaetano Benedetti, Bâle. L’auteur y plaide pour une approche plurielle et tente de surmonter les différences résultant des diverses approches de la psychologie des profondeurs.
Le XXe siècle a été prolifique et de nombreux ouvrages ont été consacrés au rêve, soit par des auteurs étrangers, soit par les disciples de Jung. Citons notamment parmi les ouvrages suisses, le célèbre Der Traum und seine Deutung d’Ernst Aeppli. Ce livre édité en 1943 en était à sa neuvième réédition en 1983, ce qui prouve son immense popularité. Felix Wirz et Konrad Wolff ont quant à eux écrit Träume verstehen – Impulse fürs Leben en 1995, un ouvrage très vite épuisé.
Sous le pseudonyme Turi Teufelhart , un Suisse à publié en 1980 une autobriographie intitulée Das unterdrückte Selbst: Ein Menschenleben in Träumen. L’auteur, victime de tendances schizoïdes, y présente sa propre guérison, qu’il documente par le récit de ses rêves et l’historique de sa thérapie. Il faut enfin aussi citer Werner Zurfluh, qui a écrit un volumineux Quellen der Nacht, associant rêve lucide et expériences extracorporelles (voir aussi www.oobe.ch). L’un de nous (C. Gassmann) a récemment publié un ouvrage dans le but d’aider les gens à mieux se souvenir de leurs rêves et de leur montrer, sans recourir ni aux méthodes des écoles de psychologie des profondeurs, ni à l’interprétation des symboles, comment utiliser ses rêves pour un travail de développement personnel.
Le rêve et son interprétation est l’objet d’un intérêt croissant, à la fois dans le cadre du contexte thérapeutique et de façon plus générale dans une couche assez large de la population. La radio suisse a ainsi présenté des émissions sur le rêve. Des séries d’articles sur ce thème ont aussi été publiés dans une revue féminine populaire (Annabelle), dans une revue familiale (Schweizer Familie) et même dans des quotidiens (Blick) ; on y offre même aux lecteurs d’interpréter leurs rêves, contre paiement évidemment.
Le rêve n’est pas seulement un sujet d’exposés et d’ateliers ; il existe aussi, disséminés dans tout le pays, des groupes étudiant les rêves et les utilisant à des fins de développement personnel. Ces " groupes de rêveurs " sont actuellement organisés sur une base purement privée ; il n’existe pas encore d’organisation ayant pour tâches de coordonner, de soutenir et de développer leurs activités, mais nous espérons pouvoir améliorer progressivement cette situation.
Remarque : cette version Internet ne se veut qu’un point de la situation dans un processus en cours. L’auteur se réjouit de tout commentaire et de toute proposition susceptible de lui permettre d’améliorer sa présentation.
Texte d’ Art Funkhouser, Berne, avec des compléments de Christoph Gassmann, Horgen; traduction française de Bertrand Dubuis, Berne et Arbaz.