Le rêve chez Freud et Jung
petit et court extrait du reve expliqué par Freud et Jung:
Freud explique le rêve par des désirs infantiles incompatibles et refoulés. L'analyse freudienne renforce le moi conscient, face à un inconscient négatif. Elle aggrave la dissociation psychique du patient.
Pour Jung, l'inconscient est à l'origine des comportements spécifiques d'espèce (les archétypes) et d'un processus de différenciation psychique (l'individuation) : l'analyse jungienne relie le moi conscient à l'inconscient grâce au rêve et diminue la dissociation psychique du patient.
version longue mais racourcie:
Freud se base sur la connaissance du sommeil de son époque : on pense que le cerveau se repose la nuit et que le rêve se produit au cours du sommeil léger qui précède l'éveil. Le rêve est une activité relativement incohérente des neurones pendant le retour de la conscience diurne.
Les liens entre une activité psychique et la neurobiologie sont également inconnus. Il y a un siècle, rien ne permet d'envisager le rêve comme une fonction neurophysiologique, et Freud ne peut que lui chercher une explication psychique.
Les hypothèses de Freud : Pour expliquer le rêve et son apparence absurde, Freud fait plusieurs hypothèses :
1 - Le psychisme infantile abrite des pulsions de meurtre (tuer le père), d'inceste (complexe d'Œdipe) et d'anthropophagie.
2 - Ces pulsions incompatibles sont refoulées pendant l'enfance, et le rêve est plus tard une manifestation de ces désirs incompatibles, accumulés dans l'inconscient.
3 - Une censure psychique s'oppose à l'intrusion de désirs incompatibles dans le système conscient pendant le sommeil léger. Elle utilise les pensées et les images des jours précédents, "les restes diurnes", pour donner un déguisement au désir et le rendre méconnaissable.
Pour Freud, le rêve réalise un désir réprimé et inconscient d'une façon détournée. Le rêve est le gardien du sommeil, il le protège d'un réveil provoqué par l'irruption des désirs refoulés.
L'effondrement du modèle freudien du rêve
L'énergie des désirs réprimés et les neurones phi : ces neurones, inventés par Freud pour « stocker l'énergie de pulsions », n'existent pas. La découverte des potentiels d'action des nerfs date de 1910 : les neurones ne stockent rien, excepté le glucose nécessaire à quelques minutes de fonctionnement. Ils transmettent simplement des informations et ils établissent de très nombreuses connexions entre eux (environ 10 000 /neurone).
Le rêve n'est pas seulement psychique, il a une base neurobiologique : la physiologie moderne sait où, quand et comment une activité psychique se produit. On sait cartographier le cerveau et visualiser les zones actives, la consommation d'énergie et d'oxygène :
Pendant le sommeil lent, le cerveau fait des réserves de glucose (cellules gliales).
Pendant le sommeil paradoxal, les neurones consomment glucose et oxygène en grande quantité.
Le sommeil paradoxal est la base physiologique du rêve. Cette hypothèse, émise dès la découverte du sommeil paradoxal, a été confirmée par diverses constatations et par une preuve expérimentale : La suppression médicamenteuse du sommeil paradoxal supprime les souvenirs de rêves, sans altérer la fonction mnésique. Ainsi le sommeil paradoxal et le rêve sont indissociables.
"Le rêve atteint son développement et sa structure finale dans la phase de sommeil paradoxal." (M. Jouvet)
La répression des désirs n'est pas la cause du rêve : L'activité automatique et périodique des neurones du pace-maker pontique est responsable du sommeil paradoxal et du rêve.
« Freud ne postule, à aucun endroit, des systèmes de neurones automatiquement actifs. La conclusion qui s'impose est que la théorie de Freud doit être abandonnée à cause de l'absence d'activité autonome et de l'absence de régulation et d'énergie endogène du cerveau. » McCarley et Hobson.
« La force agissante au cours du sommeil paradoxal est une activation biologique des cellules du pont, et non pas un désir réprimé. » McCarley et Hobson.
L'absence de mémoire pendant le sommeil lent : la fonction mnésique est liée à un éveil cortical (EEG), absent du sommeil lent. Les incidents spécifiques de cette phase de sommeil ne sont jamais mémorisés (terreurs nocturnes, somnambulisme, bruxisme, verbalisation) :
Si le réveil des patients pendant leur sommeil lent révèle une activité mentale frustre, rien ne prouve qu'elle puisse être mémorisée, au contraire.
A l'opposé, une phase de sommeil paradoxal se termine souvent par un micro-réveil, ou même par le réveil spontané du dormeur. S'il s'agit d'un cauchemar, le dormeur est immédiatement vigilant, orienté, et il raconte spontanément un rêve impressionnant dans lequel sa sécurité est menacée.
Le rêve est indépendant des besoins instinctifs : Les enregistrements du comportement onirique du chat montrent qu'il n'est pas influencé par la faim, par la soif ou quelque autre besoin instinctif réprimé : Les oies ne rêvent pas de maïs !
« Il n'y a aucune preuve, quelle qu'elle soit, que ces mécanismes cellulaires (à l'origine du sommeil paradoxal), soient provoqués par la faim, le sexe ou un autre instinct, ou par des désirs réprimés... » McCarley et Hobson.
« Ainsi, la motivation primaire du langage du rêve et du processus onirique ne peut être déguisée puisque la force première des rêves n'est ni un instinct, ni un désir réprimé ayant besoin d'un déguisement. » McCarley et Hobson.
Le rêve n'est pas "gardien du sommeil". Il se produit au cours d'un sommeil réfractaire au réveil.
Le rêve existe avant les premiers désirs instinctifs du nourrisson et leurs refoulements. Le fœtus in utero est en état de rêve presque permanent, le sommeil "sismique". La conception freudienne du rêve est incompatible avec ces observations.
Le rêve freudien, "réalisation détournée d'un désir refoulé" n'a aucun sens pour un poussin "in ovo" ou pour le fœtus "in utero".
Au moment de l'accouchement, le nourrisson dort et rêve... Le traumatisme psychique de la naissance, phénomène contre nature, n'existe peut-être que dans l'imagination de certains analystes.
Le rêve représente 80 à 50% du sommeil du nouveau-né : cette activité intense ne résulte pas de désirs refoulés. Ce n'est pas un résidu de l'activité de veille. Il s'agit d'une activité autonome, automatique, rythmique. Elle précède les autres fonctions neuropsychiques et le développement de la conscience. Les enregistrements permettent d'affirmer que l'activité onirique est antérieure à la conscience.
Le rêve existe chez les mammifères et les oiseaux depuis 180 millions d'années : quand un nourrisson rêve, son visage exprime tour à tour l'inquiétude, le plaisir, le dégoût, la tristesse, la peur, émotions qu'il manifestera réellement un peu plus tard. Quand un chat rêve et que l'on observe son comportement onirique, il reproduit les comportements instinctifs spécifiques de l'espèce : attaque, défense, toilette, postures de chasse. (Jouvet M. et Sastre J-P - Le comportement onirique du chat - Physiolo. Behav., 1979. )
Le rêve est une fonction physiologique très active au cours de la maturation du système nerveux central. L'observation scientifique associe le rêve aux comportements instinctifs spécifiques de l'espèce et de l'individu.
Les « restes diurnes » : selon Freud, le désir qui déclenche le rêve est excité par les événements des jours précédents. Le rêve utilise ces événements récents pour dissimuler au rêveur ses véritables désirs inconscients... L'observation quotidienne des rêves montre que cette affirmation n'est pas fondée.
Il existe un délai statistique de quelques semaines entre une situation nouvelle et son incorporation dans les rêves.
L'extraordinaire variété des images oniriques ne se limite pas aux "restes diurnes" des jours précédents.
Jung
La conception jungienne du rêve s'accorde avec les découvertes avec la neurobiologie moderne et pour Jung, le rêve est une expression de la nature instinctive : l'homme moderne et rationnel a appris à dominer ses instincts. Les couches instinctives fondamentales, toujours présentes, font partie de l'inconscient et s'expriment dans les rêves. Cependant la cloison hermétique établie entre la conscience moderne et le psychisme primitif crée une dissociation :
"Pour sauvegarder la stabilité mentale et même la santé physiologique, il faut que la conscience et l'inconscient soient intégralement reliés, afin d'évoluer parallèlement. S'ils sont coupés l'un de l'autre ou dissociés, il en résulte des troubles psychologiques. A cet égard, les symboles de nos rêves sont les messagers indispensables qui transmettent des informations de la partie instinctive à la partie rationnelle de l'esprit humain. Leur interprétation enrichit la pauvreté de la conscience, en sorte qu'elle apprend à comprendre de nouveau le langage oublié des instincts."
La neurobiologie moderne nous confirme que le rêve se déclenche bien à partir des structures profondes et instinctives du système nerveux central.
Que dit le rêve ? Jung abandonne la méthode freudienne des libres associations qui entraîne toujours très loin du récit du rêve. Il s'en tient aux images et aux idées qui font manifestement partie du rêve. Il tourne autour du rêve et ne s'en écarte guère. Jung cherche à décrypter le message que l'inconscient adresse à la conscience au moyen d'images et de situations en apparence absurdes.
La neurobiologie confirme que le langage du cerveau droit est en apparence absurde : non verbal, alogique, imagé et symbolique, comme celui des rêves.
Fonction créatrice du rêve : Tout comme Descartes, Poincarré et Kékulé, Jung constate l'apparition, dans les rêves, d'images et d'idées qui ne peuvent pas être attribuées à la seule mémoire. Certains rêves expriment de nouvelles pensées, jusque là inconnues et inconscientes.
La neurobiologie confirme que le sommeil paradoxal et le rêve correspondent à une activité cérébrale très intense et différente de l'activité diurne.
Rétablir l'équilibre psychique : Selon Jung, la fonction générale du rêve est de compenser les déséquilibres psychiques et les attitudes unilatérales de la conscience.
La neurobiologie confirme que l'activité onirique se renforce en période de stress et de déséquilibre psychique.
L'anticipation dans le rêve : pour Jung, beaucoup de crises ont une longue histoire inconsciente et les rêves contiennent des avertissements. L'homme s'avance pas à pas sans voir le danger qui s'accumule. Ce qui échappe à la conscience est perçu par l'inconscient qui le traduit en rêve. Il s'agit précisément d'une situation analogue qui apparaît dans le rêve d'Abrahm Lincoln (rêve au chapitre 10).
L'interprétation jungienne du rêve est un travail absolument individuel qui s'en tient strictement au récit du rêve, alors que l'interprétation freudienne s'en éloigne. Il n'existe ni interprétation prédéterminée, ni "guide préfabriqué" pour comprendre les rêves. Il faut explorer le contenu du rêve avec la plus extrème minutie. La seule hypothèse de base est que les rêves ont, par quelque coté, un sens...
"Les rêves ne protègent nullement contre ce que Freud appelle le désir incompatible. Ce qu'il appelle travestissement du rêve est en réalité la forme naturelle de nos impulsions dans l'inconscient... Il n'y a pas de différence entre la croissance organique et la croissance psychique. Comme une plante produit des fleurs, la psyché produit des symboles."
La résistance d'un patient à l'interprétation est, pour Jung, le signe "que quelque chose ne va pas". Elle montre que le patient n'a pas encore atteint le stade où il peut comprendre, ou encore que l'interprétation est erronnée.
Selon Freud, un telle résistance est la preuve des refoulements et de la censure... mais "absence de preuve ne vaut pas preuve".
Les archétypes sont, pour Jung, les dynamismes spontanés et fondamentaux caractéristiques d'une espèce vivante. Ils se manifestent dans les rêves et sont à l'origine de comportements spontanés et relativement universels. Cette définition jungienne des archétypes et leur caractère inné s'accorde avec la "programmation génétique des comportements instinctifs", proposée par M. Jouvet comme fonction du sommeil paradoxal lors de la maturation cérébrale :
"Tout comme le corps humain est une collection complète d'organes, de même nous trouvons dans l'esprit une organisation (fonctionnelle) analogue... L'archétype est une tendance instinctive naturelle, aussi marquée que l'impulsion qui pousse l'oiseau à construire son nid, et les fourmis à s'organiser en colonies.
Si le caractère inné des archétypes étonne, que dire de la complexité des fonctions symbiotiques des insectes, car la plupart d'entre eux ne connaissent pas leurs parents, et n'ont reçu d'enseignement d'aucune sorte."
Ainsi, la neurobiologie moderne et la conception jungienne du psychisme, de l'inconscient et du rêve se complètent pour décrire le sommeil paradoxal et le rêve comme une fonction psycho-physiologique naturelle.
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