Freud raconte dans son autobiographie Ma vie et la psychanalyse que dès l’instant où la liberté des associations fut la règle, les malades se mirent spontanément à faire des liens avec leurs rêves de sorte qu’il fut conduit à traiter les rêves comme les autres symptômes évoqués dans le discours. C’est aussi à partir de la mort de son père que Freud commence à s’intéresser à ses propres rêves dans son auto-analyse. En 1900, Freud publie L’interprétation des rêves où tous les éléments essentiels de la théorie psychanalytique se retrouvent : réalité psychique, l’inconscient, le fantasme, la sexualité infantile et le complexe d’œdipe.
Dans L’interprétation des rêves, Freud veut faire une science des rêves, science qui n’est pas lié à la vie organique mais à la vie psychique du rêveur et qui, bien entendu, puisqu’elle une prétention scientifique, ne peut pas faire intervenir des forces surnaturelles, magiques ou religieuses en fin d’explication. Son entreprise est éminemment rationnelle : " Puise un jour l’intellect – l’esprit scientifique, la raison – accédé à la dictature dans la vie psychique des humains ! Tel est notre vœu le plus ardent " (7e conférence, in Nouvelles Conférences, 1932, tiré de Collectif, p.39). " Freud a toujours considéré son livre, l’Interprétation des rêves (Traumdeutung), […], comme la " pierre angulaire " de l’édifice psychanalytique " (Collectif, p.38). Par exemple, dans Cinq leçons de psychanalyse, p.36, Freud écrit ceci : " J’avoue m’être demandé si, au lieu de vous donner à grands traits une vue d’ensemble de la psychanalyse, je n’aurais pas mieux fait de vous exposer en détail l’interprétation des rêves. Un motif personnel et d’apparence secondaire m’en a détourné. Il m’a paru déplacé de me présenter comme un déchiffreur de songe avant que vous ne sachiez l’importance de cet art dérisoire et suranné. L’interprétation des rêves est, en réalité, la voie royale de la connaissance de l’inconscient, la base la plus sûr de nos recherches, et c’est l’étude des rêves, plus qu’aucune autre, qui vous convaincra de la valeur de la psychanalyse et vous formera à sa pratique. Quand on me demande comment on peut devenir psychanalyste, je réponds : par l’étude de ses propres rêves ".
Pour Freud le rêve est source de connaissance de soi. Il est la voie royale de la connaissance de l’inconscient. Mais qu’est ce que l’inconscient ? Pour bien comprendre nous nous servirons de la première topique de Freud, c’est-à-dire, de sa première conceptualisation de l’appareil psychique. Le but de l’appareil psychique est alors de réguler et de diminuer les tensions auxquels il est confronté par l’expérience de vie d’abord puis par les souvenirs et sentiments. Freud suppose deux systèmes indépendants, soit le préconscient/conscient et l’inconscient. Le conscient est ce dont nous avons conscience, c’est la partie du psychisme qui permet l’apprentissage, le jugement et il prend la réalité en considération. Le préconscient contient quant à lui des pensées ou des expériences que nous n’avons pas à la conscience mais qui sont accessibles et deviennent conscient au besoin. L’inconscient est quant à lui le siège des pulsions primaires et sexuelles, des désirs inavoués parce qu’inacceptables socialement et des sentiments et souvenirs refoulés parce que trop pénibles. Le refoulement est le processus par lequel un souvenir ou une pensée passe du préconscient à l’inconscient. Ce souvenir devient inaccessible à cause de la censure qui existe entre le préconscient/conscient et l’inconscient. C’est cette censure qui deviendrait plus perméable pendant le sommeil et qui permettrait l’actualisation de certains souvenirs et désirs.
Pour Freud, le sommeil est un état où le dormeur ne veut rien savoir du monde extérieur et si le rêve existe, c’est qu’il a une fonction. C’est le moment où le psychisme se retire dans son monde et où il tente de réaliser un désir, un désir qui était refoulé et donc, la plupart du temps, incompatible avec les idées éveillées du rêveur. Pour Freud, le rêve est le gardien du sommeil, c’est le rêve qui nous permet de rester endormis puisqu’en réalisant les désirs, il supprime le psychisme de ses excitations.
Notons que la réalisation du désir est déguisée. Le désir inconscient et consciemment indésirable qui cherche à s’actualiser dans le rêve passe par la censure et subit des transformations dans son passage par la censure pour prendre forme dans le récit du rêve qui est accessible à la conscience. C’est à cause de ses transformations que le rêve paraît absurde à première vue. Freud distingue d’ailleurs le contenu manifeste du rêve des idées oniriques latentes. Le contenu manifeste du rêve est le rêve tel qui nous apparaît, il est le récit imagé plus ou moins ordonné ou compréhensible au premier regard. Les idées oniriques latentes est le message de l’inconscient. Pour le découvrir et se persuader de leur existence, il faut utiliser la technique d’interprétation des rêves élaborée par Freud. Il suffit de prendre chacun des éléments du rêve et de chercher à quoi ils nous font penser. D’associations en associations à partir des éléments du rêve des liens surgirons et nous pourront remonter au désir. Le désir remonte parfois à la petite enfance mais peut se trouver réactualiser en désir plus récent. On parle alors de souvenir écran puisque le désir retrouvé en cache un autre. Dans une lettre adressée à Wilheim Fliess, datée du 12 juin 1900, il considère que c’est en 1895, par l’analyse du rêve d’une des ses ancienne patiente, " l’injection faite à Irma ", qu’il a compris le mystère du rêve, c’est-à-dire que tout rêve est la réalisation d’un désir. Les cauchemars ne contredisent pas cette théorie puisque le désir qui tente de se réaliser appartient à l’inconscient. Ce n’est donc pas nécessairement un désir agréable puisqu’il a été refoulé à un moment. Sa réactualisation dans le rêve peut provoquer de l’effroi à cause d’une ratée de la censure.
Pour transformer le désir inconscient en son expression onirique, la censure utilise deux principaux processus : la condensation et le déplacement. La condensation est l’association de plusieurs éléments inconscients en un seul élément de rêve. Un seul élément peut-être la concentration de plusieurs significations ou idées, parfois même contradictoires entre elles. Le déplacement se produit quand un élément inconscient se déguise en un autre (l’élément du rêve) à cause de certaines similitudes (physiques, d’écriture, causales, etc.) comme dans une métaphore. Il arrive aussi qu’un élément inconscient se déguise en son contraire dans le rêve. Ces éléments inconscients peuvent être des restes diurnes, c’est–à-dire les résidus inconscients des journées précédantes (pensées, sentiments, etc.) ou des traces mnésiques, c’est-à-dire des marques de son passé infantile, des souvenirs marquants et importants au moment où ils ont étés vécus. Les éléments du rêve peuvent aussi prendre source dans des expériences somatiques provoquées par des stimulations physiques internes (maux, douleurs, etc.) ou externes (chaleur, senteur, sons, etc.).
Enfin, pour Freud, le rêve n’a un sens que pour son rêveur et est produit par son propre inconscient individuel, lié à son histoire infantile et moins lointaine. Il n’est donc pas question d’attribuer un sens à un rêve de quelqu’un d’autre que soi sauf peut-être pour le psychanalyste qui entend les associations de l'analysant. Un même rêve chez deux personnes aura des significations différentes. Toutefois, " pour représenter symboliquement la castration, le rêve emploie […] la coupe des cheveux, la perte d’une dent [...]. Un grand nombre d’animaux (souris, poisson, serpent) servent aussi ordinairement à symboliser les organes génitaux (Freud, Interprétation des rêves, p. 296-307). Freud ne se réfère pas à des clefs de songes qui identifieraient des significations univoques à des images oniriques mais en ce qui concerne certains symboles, il semble leur attribuer d’ambler, grâce à son expérience, une connotation sexuelle. Notons que l’inconscient, qui cherche s’exprimer dans les rêves, cherche aussi à s’exprimer dans les actes manqués et les lapsus ainsi que dans les symptômes névrotiques.