Rêve et inconscient corporel
Notes de cours B. Andrieu
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L’inconscient corporel
Bibliographie: L’inconscient aux mille visages, Pierre Buser ;
Le sens du mouvement, Alain Berthoz.
Le cours est constitué de trois parties. Dans la première heure, nous exposons les
différents concepts ou courants de pensées qui sont susceptibles d’apporter une réponse à la
question de l’inconscient corporel. Dans la deuxième heure, nous exposons l’état actuel de la
recherche scientifique (neuro-sciences, psychologie expérimentale). Et enfin, dans la dernière
heure, nous examinons les enjeux philosophiques des résultats scientifiques.
Les techniques du corps ainsi que la notion d’habitus sont le résultat de l’incorporation
de savoir faire, de postures, de gestes par l’apprentissage. Cet apprentissage peut être
mimétique (les enfants qui imitent les parents par exemple) ou être le résultat de l’exercice, de
la répétition, de l’habitude (Aristote : les élèves peuvent se rapporter aux cours de M. Andrieu
de l’année 2004-2005. Je tâcherai de le taper pour la semaine des vacances). L’exercice répète
le même mouvement. Cette répétition va créer un schème opératoire, i.e que le corps va
s’appuyer sur des schémas. Ces postures sont inconscientes car elles font parties de notre
schéma corporel. D’où la difficulté de changer d’habitude. Si je dois change d’habitude, je
vais devoir reconstruire mes postures. Je passerai un moment où je ne pourrai plus rien faire.
C’est une relation du corps à la culture, au social. C’est un inconscient corporel dont on peut
prendre conscience notamment en changeant d’habitude (le changement d’habitude conduit
l’individu à une réflexivité sur son propre corps).
Ici, on ne s’appuie pas sur une théorie neurologique. Ces auteurs (Mauss, Aristote,
sociologues…) s’appuient sur l’interaction entre le corps et la culture. Certains présupposent
un déterminisme fixe (nous sommes à l’intérieur d’un champ culturel déterminant : Bourdieu,
programme macro-sociologique notamment). On ne pourrait pas changer si facilement
d’habitus. C’est l’idée d’une expression de la culture à travers le corps. D’autres considèrent
que l’habitude est plastique (Aristote). On peut changer de postures. C’est une seconde nature
qui peut être reconstruite.
Ce qui les différencie, c’est la théorie de l’être qu’ils adoptent. Ainsi, l’habitus, les
techniques du corps n’étaient pas référées à une théorie neuro-cognitive de l’apprentissage.
1970 : Débat entre Chomsky (innéiste) et ceux qui défendent une théorie de l’apprentissage.
On va alors chercher une voix moyenne : tout n’est pas constitué par le social (le social doit
bien aller quelque part dans le corps : où va l’apprentissage ?) ; tout n’est pas inné.
Inconscient freudien : Sommeil, rêve et refoulement :
Freud était un neurologue. Lors de certaines consultations, il se retrouvait confronté à
certains phénomènes qu’il n’arrivait pas à expliquer d’un point de vue neurologique. La
psychanalyse vient de l’échec de la neurologie de l’époque. Cela ne dit pas que l’inconscient
freudien est réductible aux théories neurologiques. Il y a une activité automatique des
perceptions, des sensations qu’on ne peut pas localiser dans le corps. L’inconscient freudien
n’est pas localiser dans le corps, il n’est pas cérébral. C’est une description purement
psychique, mental. Il va y avoir des symptômes corporels qui résultent de l’activité psychique.
Le symptôme est l’effet corporel du conflit psychique.
Le travail de l’analyse se base sur le retour du refoulé : perception consciente d’une
activité inconsciente. Ce n’est pas le corps qui produit l’inconscient freudien, mais ce sont les
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différents conflits entre nos représentations. Les pulsions sont représentées dans le « ça » et
vont se retrouver confrontées à des normes sociales, culturelles, morales représentées dans le
« surmoi ». L’inconscient est constitué à partir du refus de la conscience de voir revenir
certaines représentations, certaines perceptions qui affecteraient son bon fonctionnement.
On sait qu’il y a de l’inconscient à travers les rêves, les symptômes…
La psychanalyse va s’éloigner de la biologie, de la neuroscience. Elle conduit au
structuralisme sémantique, linguistique. Tout ce qui vient du corps passerait par le langage.
On va alors analyser les structures à partir d’un modèle langagier.
L’intérêt de Freud est d’avoir dégagé le vécu mental de l’inconscient. L’inconscient de
Freud est le résultat de l’activité tacite du cérébrale. L’inconscient existe et permet ainsi de
saisir ce qui émerge. Le lapsus, le rêve… s’expriment par le corps. Le corps est médiateur de
l’émergence, de ce qui émerge de cet inconscient mental.
Freud nous permet d’accéder à la perception du réel. Il faut remarque cependant qu’il y a une
différence entre l’objet tel qu’il est en soi, la conscience que nous avons de cet objet et la
perception inconsciente de cet objet.
Mais on ne trouve pas chez Freud une théorie qui expliquerait comment le corps agit
comme médiateur. On n’invalide pas l’inconscient de Freud. Le rêve nous montre comment
notre appareil psychologique perçoit le monde. Quand on rêve, on voit l’objet tel que notre
perception le voit. Ce n’est pas l’objet lui-même, mais la perception réelle que nous avons de
cet objet. Il y a ainsi un traitement tacite, implicite de l’information qui revient dans la
perception. Il y a une activité implicite du corps, du cérébrale : on va former certaines
représentations, certains éléments non pris en compte par les perceptions conscientes. Ce que
dit Freud n’est pas faux, il faut le situer par rapport aux neurosciences actuelles.
Le sommeil et les rêves : M. Jouvet.
Petite période pendant laquelle le rêve se produit. Temps de sommeil paradoxal qui
relève de l’activité électrique du cerveau. Il y a des signes physiologiques tant chez l’homme
que chez la femme. C’est une activité cérébrale et oculaire. Cela n’explique pas le contenu de
nos rêves. Le rêve est produit par le cerveau. Le rêve repose sur des conditions
physiologiques. Fonctions individuantes du rêve : le rêve permet au cerveau d’actualiser le
savoir, les représentations. C’est une sorte de régulateur neuro-cognitif. Le rêve permettrait de
réactualiser le contenu manifeste et latent (habitude, acquis, ce qui est incorporé) du
psychique et du corporel. Ce que fait Freud : il construit un système d’interprétation du rêve.
La psychanalyse est un discours herméneutique.
450ms : c’est le seuil à partir duquel nous avons une représentation consciente d’une
information neuro-cognitive.
La conscience phénoménologique commence à 450ms. Il faut décrire l’activité
implicite qui se produit avant ce seuil. Il y a un traitement immédiat, spontané qui concerne la
reconnaissance visuelle des formes, des couleurs et qui permet de développer l’activité
réflexe. Il y a un traitement analytique fondé sur des catégories. C’est une prise de décision
plus élaborée (décision catégorielle). Inconscient neuro-cognitif réflex est ce qui assure notre
survie. Qu’est-ce que le corps perçoit immédiatement ? Les figures, les mouvements, les
couleurs, les vitesses…. Cela se produit avant même l’analyse et la classification de la
perception. La neuro-computation va démarrer à partir de 100ms.
On prépare la décision de l’action motrice avant les 130ms. « La décision est une
propriété fondamentale du système nerveux ». La majorité de nos décisions motrices (actions
corporelles en dehors des réflexes) relèvent de nos décisions perceptives motrices
inconscientes. J’appelle état mental « prendre la trousse ». Cet état mental n’est qu’un effet
d’une décision perceptive, d’un processus perceptuel moteur inconscient. Le cerveau construit
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un ou des scénarii. Tout est déjà décidé. Les décisions sont des possibles construites par le
cerveau. On ne contrôle pas la décision du cerveau. On ne contrôle pas la décision du cerveau.
Comment passe-t-on de la décision perceptive moteur à la volonté consciente ?
La volonté consciente ne ferait qu’actualiser l’un des scénarii possibles préconstruits
par le cerveau. Le cerveau prépare les scénarii. Il y a un feedback : je peux demander, par
l’intermédiaire de l’imagination, au cerveau, de construire un scénario. On peut déclencher
par l’imagination des scénarii. Le corps prend des décisions avant même qu’on en ait
conscience. Le corps voit des choses que notre conscience ne voit pas ou ne voit pas encore.
On peut présupposer des niveaux de degrés de réflexivité du corps suivant l’attention portée
au vécu corporel. Dépraze présuppose plusieurs seuils de conscience corporelle.
Les conséquences philosophiques :
²« L’action et le corps sensible qui construisent le monde perçu en fonction de nos désirs, de
nos buts et de nos craintes sont au coeur des mécanismes de la décision plutôt que le langage
et la raison ». C’est la fin du structuralisme linguistique. On ne parle plus de langage rationnel
mais de langage du corps sensible. Le corps est en interaction permanente avec
l’environnement par la perception sensible. Cette perception sensible n’est pas forcément
consciente. La décision consciente, morale est déjà une rationalisation, une conceptualisation.
La névrose serait ainsi le résultat de l’oublie du langage du corps sensible. Une personne qui
ne se situerait que dans la rationalisation est névrosée. Elle oublierait qu’il y a un contact
immédiat, corporel et sensoriel entre son corps et son environnement. Elle n’aurait de langage
que rationnel.
La perception est une action simulée. Elle n’est pas simplement interprétation des
messages sensoriels, elle est contrainte par l’action. Elle est une simulation interne de l’action,
une anticipation des conséquences. Le cerveau utilise les actions passées pour préparer et
déclencher un mouvement en prévoyant ces conséquences. Le cerveau utilise la mémoire. Il
simule, prépare des scénarii. C’est du virtuel qui va poser le problème de l’adaptation motrice.
Le cerveau calcule des scénarii sur la base des actions passées, de la mémoire. Mais nous ne
sommes pas dans un déterminisme : l’idée n’est pas de dire que le cerveau détermine chacune
des actions de notre corps. Lorsqu’on est confronté à la nouveauté, on est surpris.
L’idée standard est qu’il existerait des cartes fabriquées, des scénarii internes qui
permettraient l’anticipation par un calcul. Prédiction, anticipation : la perception est orientée
vers l’action (pas antérieure à l’action). Elle combine alors des stimuli actuels et une
connaissance mémorisée pour déterminer le processus de l’action appropriée à l’action
encours.
Il y a une construction de référentiel sur le mouvement, sur l’espace incarné, i.e qui
correspondent [les référentiels] à l’usage que l’on fait de notre propre corps dans l’action.
Cela nous conduit à penser que chaque corps est singulier. Nous sommes capables d’anticiper
sur notre champ particulier d’action. Ce n’est pas une anticipation en soi mais en situation, qui
est incarnée dans un corps singulier. C’est une anticipation dans une géohistoire du corps.
Chacun va avoir la capacité d’anticiper plus vite que les autres dans certains domaines. Cela
relève de la spécialisation. Ainsi, chaque corps est spécialisé dans un domaine précis. Le
corps perçoit plus vite dans le domaine particulier dans lequel il [le corps] s’est spécialisé.
Le traitement implicite de l’information est à la base de l’apprentissage. Le cerveau
recalibre en permanence l’information et il tient compte des expériences passées.
L’anticipation est la construction de référentiel incarnés, i.e qui correspondent à notre corps,
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à l’usage que nous en faisons dans l’action. D’où le caractère intuitif de certains de nos gestes
dans certaines situations ou domaines particuliers.
Inconscient neuro-cognitif :
-travail implicite (ce qu’on vient de décrire au dessus). C’est un travail des structures
neuro-fonctionnelles de la cognition (cortex visuel, moteur, préfrontal). Tout travail se fait
nécessairement par ces structures. On est au niveau des structures et non des contenus. C’est
la condition de possibilité du travail neuro-cognitif.
-travail tacite : travail caché. On se place au niveau des contenus. C’est l’analyse
cachée du contenu des structures neuro-cognitifs.
Il faut donc distinguer la neuro-physiologie (Berthoz) et ceux qui travaillent sur le contenu de
la perception, sur le contenu neuro-cognitif. C’est un travail complémentaire et non opposé.
1971 : Question de l’amorçage. On s’est aperçu que le sujet était capable de reconnaître une
information qu’il n’avait pas saisie consciemment. Il y a un amorçage sémantique préintentionnel.
On peut activer une représentation sémantique sans en avoir conscience.
L’image subliminale est une image qui n’est pas perçue consciemment. On produit une image
inconsciente qui est cependant vue par le cerveau. Il y a des amorçages tactiles et visuels.
Il y a une pré-selection neuro-cognitive de l’information.
On distingue deux temps :
-On propose une information. On la propose tellement vite qu’on ne la reconnaît pas (T1) ;
-On propose une deuxième information reconnaissable (T2).
On nous demande s’il y a un lien entre T1 (amorce) et T2 (information reconnaissable). Le
temps de réponse (« Est-ce un mot ? », « oui/non ») est plus long si les deux cibles n’ont
aucun lien sémantique (Lion/Habit). S’il y a un lien sémantique (Tigre/Lion), le temps de
réponse est plus court.
Trois conséquences à cela :
-On peut avoir une investigation directe d’une représentation mentale inconsciente. On
reconstruit le travail tacite qu’on pensait avant implicite. On ne voit pas le travail comme tel,
mais on le reconstruit par l’amorçage et l’association mentale (lien sémantique dans ce cas).
Nous avons tous un amorçage inconscient sémantique.
-On n’est capable de reconnaître une information masquée dont pourtant on n’avait
pas conscience. Il y a quelque chose qui traite cette information puisqu’on peut la reconnaître.
Le corps perçoit la chose avant qu’on en ait conscience.
-On peut influencer le comportant en provoquant un amorçage inconscient.
L’amorçage peut être socio-déterminant. Il y a une sensibilité (on crée une sensoriabilité) qui
nous pré-oriente vers telle ou telle personne. Ce que nous aimons chez les autres, c’est ce que
nous y reconnaissons.
Ces trois points constituent le pré-attentionnel. C’est le degré d’activité du corps qui relèverait
d’une conscience inattentive.
Il y a donc une différence entre une conscience d’accès et une conscience phénoménale
(conscience de quelque chose). La conscience d’accès qui serait à l’oeuvre avant même que la
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conscience soit opératoire (Cf. L’inconscient aux mille visages, Pierre Buser). La conscience
phénoménale est la conscience subjective, l’expérience phénoménale vécue.
On distingue alors l’ « awareness » du « conscienceness ». Le premier renvoie à l’éveil de la
conscience. On rentre de l’information sensori-motrice de manière passive (la sensation rentre
dans le rêve). Il n’y a pas d’opération catégorielle. Le second renvoie à une prise de
conscience de l’objet, de la sensation. La sensation rentre dans une opération catégorielle.
Intentionnalité corporelle :
On ne veut pas dire qu’il y aurait des contenus programmatiques, qu’il y aurait un programme
d’action engrammé. Il y a plutôt des procédures intentionnelles qui reposent sur des structures
implicites qui sont toujours en interaction avec l’environnement. Ce n’est pas, contrairement à
l’intentionnalité husserlienne, une intention qui viserait un but dans l’environnement, mais
c’est plutôt l’environnement qui vise la sensibilité du corps par l’interaction. Il y a des
processus, des structures implicites qui organisent de manière dynamique la connaissance.
L’intention corporelle est élaborée par le cerveau. C’est une activité inconsciente. Il faut faire
une différence entre l’intention mentale (consciente) et l’intention corporelle.
La question n’est donc pas de savoir si d’un point de vue moral nous sommes libres ou non ;
la liberté étant une notion fondée sur l’interaction avec l’environnement. Il n’y a pas de
détermination du contenu intentionnel dont le corps serait la réalisation. Mais, il y a un
ensemble de possible dont certains seront actualisés par l’action. Par ensemble de possibles,
nous voulons dire des scénarii, des schèmes, des cartes neuronales, des configurations, des
habitudes, i.e un ensemble d’information qui est déjà pré-opératoires et qui va être
opérationnel par la mise en action du corps.
Le corps assure en permanence l’interaction inconsciente avec l’environnement. Le corps
permet d’incorporer des informations et de nourrir le cerveau. Le corps est la médiation qui
exprime cette intentionnalité neuro-cognitive. Le corps est un moyen d’expression (Les
étudiants pourront se référer aux cours de M. Andrieu de l’année 2004-2005. Je tâcherai petit
à petit de les taper).
Il faut distinguer l’intionné (ce qui a été incorporé par le corps et qui se retrouve dans le
cerveau. Cet intentionné permet au corps d’être intionnant), et l’intionnant (le corps en acte.
Lorsque je me saisis d’un feutre, je transforme le statu de quelque chose qui était passif en
quelque chose qui est actif).
L’écart (le passage du possible à l’actuel) entre l’intionné et l’intionnant est l’adaptation
sensori-motrice.
Pour Andrieu, « l’intentionnant s’appuie sur des structures pré-intentionnantes qui sont
formées par l’incoporation de l’intionné » (Cf. Carnet Hexis et Habitus de la journée d’étude
de Metz, année 2006-2007).
Il y a des niveaux différents qui coopèrent entre eux. Je peux les séparer (je peux être
neurologue, psychanalyste, phénoménologue…).
Tout cela a été inventé, pensé dès 1829 par Stuart Mill. Ce dernier avant l’idée d’idéation. Il a
influencé tous les neuro-psychologues.
L’idéation est l’accroissement graduel de l’idée, de la formation de l’idée. La physiologie, la
psychologie germanique et anglo-saxonne vont reprendre cette idée.
Comment passe-t-on de l’infra-conscient au conscient ? devient la question centrale de neuropsychologie
actuelle.
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